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ROMANS PROVENÇAUX.

substance, l’histoire de la jeunesse de Charlemagne, développée dans d’autres romans encore aujourd’hui existans, et l’indice positif d’un roman provençal construit sur les mêmes données.

Je ne trouve, dans les poètes provençaux, qu’une ou deux allusions rapides à l’expédition supposée de Charlemagne, contre le géant Ferabras, pour reconquérir les reliques de la passion, que ce formidable géant sarrasin avait enlevées de Rome. Mais, sur ce point, nous avons mieux que des allusions ; nous avons le roman même, ou l’un des romans auxquels ces allusions se rapportent.

Quant aux passages des troubadours relatifs à la déroute de Roncevaux, à la mort de Roland et des onze autres paladins, ils sont nombreux, et tous plus ou moins expressifs. — Les uns, bien que fugitifs, ont quelque chose de solennel ou de passionné qui atteste tout à la fois et la renommée de l’événement, et la grande popularité des romans auxquels il avait donné lieu. D’autres, plus détaillés, retracent les principales circonstances du fait, et font voir par là que les romanciers provençaux avaient eu, pour matière de leurs récits, les mêmes fictions et les mêmes traditions que les romanciers français.

Peut-être ne sera-t-il pas hors de propos de citer quelques-uns de ces passages, tant des plus énergiques et des plus vifs, que des plus circonstanciés. On jugera mieux par-là de leur caractère et de leur portée.

« Chevaliers, souvenez-vous de Roland, qui fut vendu pour de viles pièces de monnoie, » s’écrie Gavaudan-le-Vieux, troubadour, auteur de quelques pièces remarquables.

Pierre Cardinal, le plus élégant et le plus ingénieux des troubadours satiriques, a rapproché la trahison de Ganelon et celle de Judas. — « Tous les deux, dit-il, trahirent en vendant : l’un vendit le Christ, l’autre les paladins. »

Giraud de Cabroiras, dans une pièce très-curieuse, qui est une instruction adressée à son jongleur, et dans laquelle il cite une multitude de romans, grands et petits, que tout jongleur devait être en état de réciter, pour être réputé habile, parle aussi d’un roman qu’il désigne par le titre des grands gestes, ou de la grande