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MŒURS DES AMÉRICAINS.
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ticles de la même espèce. Cela fait, elle tire son dé et demande son ouvrage ; on le lui apporte, et les huit dames cousent ensemble pendant quelques heures. Leur conversation roule sur les prêtres et sur les missions, sur le produit de la dernière vente et sur celui que la prochaine fait espérer ; sur la question de savoir si ce sera le jeune M. A… ou le jeune M. B… qui en recevra le montant, et qu’on mettra par là en mesure de partir pour Libéria ; sur l’horrible bonnet que portait à l’office du matin, le dimanche précédent, madame une telle ; sur le beau ministre qui occupait la chaire à l’office de l’après-dîné, et sur la quête abondante de l’office du soir.

« Les aiguilles et les langues vont ainsi jusqu’à trois heures. À trois heures, on annonce la voiture de madame, qui retourne au logis avec son panier à ouvrage. Elle monte dans sa chambre, ôte et enferme soigneusement son bonnet et tout ce qui en dépend, met son tablier de soie noire festonné, va faire un tour dans la cuisine pour voir si tout est bien, et se rend de là dans la salle à manger, où, après avoir jeté un coup d’œil attentif sur la table préparée pour le dîner, elle s’assied, son ouvrage à la main, pour attendre son mari. Il arrive, lui donne une poignée de main, crache et se met à table. La conversation n’interrompant pas l’opération, en dix minutes le dîner est fini ; le dessert et le vin de palmier, le journal et le sac à ouvrage succèdent. Dans la soirée, le mari, qui est un savant, se rend à la société Wister, et après, fait un whist avec un voisin, et joue serré. Un jeune missionnaire et trois membres de la société Dorcas viennent prendre le thé avec sa femme ; et ainsi finit la journée. »


Le passage suivant prouve encore mieux, combien la vie de famille est étrangère aux goûts et aux habitudes américaines.


« Par des raisons qu’une intelligence anglaise n’est point capable de comprendre, un grand nombre de jeunes ménages, au lieu d’avoir une maison, se mettent en pension à l’année dans un hôtel, où ils logent en garni, et mangent à table d’hôte.

« À la vérité, il est rare que les familles qui vivent ainsi, jouissent d’une fortune considérable ; mais un grand nombre du moins occupent un rang dans la société qui, parmi nous, semblerait incompatible avec une telle situation. Quoi qu’il en soit, je ne puis rien imaginer de plus propre à consolider l’insignifiance des femmes, que de les marier à 17 ans, et de les placer ainsi en pension dans un hôtel ; j’ajoute que je ne puis concevoir une vie d’une plus ennuyeuse monotonie pour elles. Il semble toutefois qu’elles n’en jugent point ainsi, car plusieurs m’ont