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UN ÉPISODE
DU
BLOCUS CONTINENTAL.

Ceux qui visitent aujourd’hui nos villes maritimes et qui s’étonnent à bon droit de la vie qui s’y déploie, peuvent s’imaginer, par comparaison, de quel lugubre silence elles étaient frappées pendant nos guerres navales avec l’Angleterre. À peine quelques rares vaisseaux marchands, à l’aspect moitié pacifique, moitié armé, comme ces timides bourgeois qui se disposent à traverser un bois infesté de voleurs, attestaient que l’activité n’était pas éteinte dans le bassin de nos ports. Le reste se composait d’un long rideau de bâtimens, qu’une prudente station avait depuis bien long-temps rendus inhabiles à tenir la mer ; chaque jour leur enlevait un bordage et leur rouillait un clou. Fendus par le soleil et verts comme de l’herbe, ils ne devaient plus s’élancer sur les vagues et se pencher au vent.

On n’entendait le matin, ni les joies du départ, ni dans la journée les chants du retour, ni crier les poulies et les matelots. Sur les quais déserts, on ne respirait plus cette bonne odeur du goudron, mêlée au parfum des Antilles ; on ne vivait plus dans cette atmosphère où se dégagent ces mille odeurs locales qui vous transportent avec la cire à Mogador, avec la cannelle à Java, avec le poivre à Calcutta, avec le coton à New-York. L’œil cher-