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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

par tout maudire, elle n’a rien distingué, et peut-être elle n’a rien pardonné.

Qu’est-il provenu de cette disposition funeste ? Nous vîmes en France la religion s’empreindre de fausses couleurs, oublier les saints désintéressemens de sa mission divine pour s’attacher à la fortune de certains intérêts politiques : au lieu de se tenir calme dans une majestueuse et chrétienne douleur, que le temps et la charité devaient adoucir, elle se précipita avidement dans les chances des prospérités temporelles : pour récompenser Napoléon d’avoir relevé les autels, elle apporta à ses pieds des adulations monstrueuses qui firent pâlir les plus audacieux flatteurs ; elle l’appela un nouveau Cyrus, se réservant, sans doute, d’en faire un Nabuchodonosor, quand il serait tombé. En effet les vieux rois reparaissent ; aussitôt les statues de César sont insultées et détruites ; on pousse l’autel au pied du trône de l’ancienne monarchie, on travaille à l’y adosser ; l’église et la royauté se déclarent solidaires ; elles confondent leurs passions et leurs intérêts ; ce n’est plus qu’une même cause. Ainsi la religion consent à descendre de sa spiritualité céleste à une mésalliance périlleuse ; elle abdique les cieux pour le partage d’une couronne d’autant plus fragile qu’elle est plus antique. J’eusse mieux aimé pour la religion des persécutions nouvelles que les prospérités dégradantes dont elle a joui sous la restauration. Et quand juillet éclata comme un coup de tonnerre, elle se crut perdue, parce que la domination glissait de ses mains : peu-à-peu elle a repris courage ; elle a même repris sa haine contre la révolution française ; elle déclame au lieu de prier ; elle met dans la même balance la croix de Jésus-Christ et le blason de la vieille monarchie. Aberration fatale ! plaie douloureuse pour la société française ! Le temps seul saura la guérir. Mais en attendant, il importe que le pouvoir, s’armant d’une ferme et tranquille intelligence, montre à l’église, qu’il faut ramener à des opinions plus sociales, un front serein, une volonté constante ; pas de persécutions, mais justice : respect et honneur aux dignes soldats de l’église qui ne connaissent d’autre politique que la charité, d’autre faction à servir que l’humanité à consoler ; mais