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LETTRES PHILOSOPHIQUES.
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finit par s’oublier et se perdre dans des intérêts périssables et corrompus, il s’y incorpora, il en fit sa chair, ses membres, et comme sa substance ; il s’identifia dans l’église, il personnifia l’église dans le pape, et l’étreinte fut un instant si forte, tellement inextricable que ce christianisme si pur à sa naissance, libre comme la pensée, inépuisable comme l’amour, sembla près d’expirer dans les liens et le contact d’une solidarité mortelle. Artistes de Léon x, que faites-vous ? Vous embellissez le catholicisme quand l’esprit ne le visite plus ; vous lui prêtez de vives couleurs, mais il a perdu son âme, et Rome n’aura jamais été plus magnifique qu’au moment où la terre lui échappe.

Ainsi donc le catholicisme a failli parce qu’il a cru à l’immobilité : il a voulu se fabriquer une théologie immobile, et il s’est irrité contre ceux qui cherchaient dans des textes spirituellement écrits un esprit progressif, un sens nouveau ; il a voulu frapper d’immobilité la science humaine, et il a fait passer dans les flammes les novateurs et leurs ouvrages ; il a voulu que les sociétés restassent immobiles, et il a déclaré les vieilles institutions toujours saintes, la nouveauté toujours coupable. Sur tous les points, je le trouve excommuniant le génie de l’homme, immolant l’esprit à la forme, le présent au passé, et jetant à l’humanité une colère ridicule. Il y a deux siècles, l’aspect du Vatican et de Rome eût peut-être excité mon indignation ; mais en visitant, il y a bientôt deux ans, monsieur, la ville maîtresse où je cherchais surtout la grande antiquité, je n’ai trouvé dans mon cœur que de la pitié pour les derniers restes de la théocratie romaine, pour cette agonie qui s’ignore et qui s’exaspère, pour ce sacerdoce dégénéré qui ne se réveille de sa léthargique mollesse que dans le désir de maudire de temps à autre, et d’opprimer autour de lui l’intelligence et la liberté.

Je ne sais, monsieur, si, au milieu de vos études et de vos travaux sur l’antiquité et la philosophie, vous avez pu trouver le loisir de lire un des meilleurs ouvrages qui aient paru en France cette année : l’Histoire de la Régence par Lemontey. Cet écrivain y conte un trait charmant sur la cour de Rome. Clément xi refusait sans motif les bulles de douze siéges épis-