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LE CAPIDJI-BACHI.

de fruit dans un cœur rempli des préoccupations du pouvoir ?

— Visir, j’avais résolu de te voir, mais j’attendais, répondit Mustapha avec une froide énergie.

— Jusqu’à présent le moment n’était donc pas heureux et de bon augure ? reprit le pacha avec une expression craintive et superstitieuse.

— Tout ce qui est précipité n’est jamais heureux.

— Mais, puisque vous êtes venu aujourd’hui vous asseoir sur mon divan, sans doute que vous avez lu dans les constellations que notre entrevue devait avoir le meilleur résultat ?

— Oui visir, je l’espère.

Les kawas étaient à dix pas… Les yeux du scheik étincelaient, sa main fit briller un poignard comme un éclair inattendu au milieu d’une profonde obscurité, et il l’enfonça dans le cœur du pacha.

— Souviens-toi de l’itch-oglan Mustapha, dit le scheik en le frappant.

— Enfans, exterminez le misérable, s’écria le pacha frappé à mort et rendant l’âme.

Vingt yatagans se croisèrent sur la tête du scheik ; mais lui, monté sur le divan, opposait aux poignards le firman redouté qu’il étendait des deux mains… Les kawas baissèrent la tête avec respect… L’ordre était exécuté.

Mustapha paraissait radieux et presque surnaturel, lorsque du haut du divan il n’opposait à des esclaves armés, dont il venait d’égorger le maître sous leurs yeux, qu’un simple morceau de papier. Tandis que tous rentraient dans la poussière, lui, placé sous la sauve-garde même de l’ordre qu’il avait exécuté retournait au téké sans crainte comme sans orgueil, expédiait un Tartare à la Porte, et reprenait simplement sa vie ordinaire, laissant à d’autres le soin d’administrer la province en attendant un pacha.

Le Tartare à son retour apporta les ordres de la Porte, qui nommait Mustapha-Bey pacha à trois queues et gouverneur d’Alep.

Deux ans après, un groupe de Turcs à l’air grave et insou-