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générosité, et espérant volontiers qu’il aurait gardé quelque bon souvenir de son père, qui, barbier du sultan, avait bien voulu protéger le sauveur de l’empire. C’était une belle tente verte, à bordures dorées. Un tapis de Perse lui servait de porte. Une jolie natte égyptienne était étendue sur toute sa longueur. Au fond était un divan rouge à franges vertes. Le pacha était seul assis à l’angle du divan. Une foule de kawas et d’officiers l’entouraient à distance, debout et dans une attitude respectueuse. Ahmed s’avança vers le divan, au côté opposé au pacha, porta la frange à sa bouche et à son front, n’osant pas encore baiser la robe du maître, et revint silencieusement se remettre à l’extrémité, vers la porte ; alors Hussein leva les yeux vers lui. C’était une noble figure de vieillard. Il y avait dans ses regards, qui révélaient encore des illusions de gloire, malgré sa barbe blanche, une expression inépuisable de bonté, qui, réunie au génie, fait l’homme semblable à la Divinité.

Jeune soldat, que me veux-tu ? dit le pacha à Ahmed.

« Le palais de Khosroes et ses molles splendeurs n’ont pu remplir une âme dévorée du désir de la gloire : aussi j’ai demandé à la fortune d’échanger avec moi le luxe du seraï impérial pour la poussière des camps. »

Ce fut par cette citation d’un poète persan que répondit Ahmed, désirant n’être entendu que du visir.

Le pacha eut un mouvement de surprise, promena un regard d’aigle sur ses kawas, pour s’assurer qu’aucun d’eux n’avait compris, puis fit un geste qui leur ordonnait de s’éloigner. Approche-toi, dit-il en s’adressant à Ahmed. Mais tout-à-coup, jetant un regard d’inquiétude sur les armes qui brillaient à la ceinture du jeune aventurier, il sembla révoquer son premier ordre par une sorte d’hésitation. Sa grande âme avait honte de soupçonner un assassinat ; mais il ne connaissait que trop les habitudes du seraï, sa politique ombrageuse, sa prudence meurtrière. Ahmed comprit l’hésitation du pacha, jeta ses armes dans un coin avec négligence, comme pour s’en débarrasser, et s’avança.

— Parle ! d’où viens-tu ? Serait-il vrai que tu sortes du seraï ? Quoique tu viennes d’un lieu funeste et mystérieux, ta jeunesse