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faits, et comme expression des émotions contemporaines, sont plus vrais que les chroniques, et dans ce sens du moins, je crois pouvoir les qualifier d’historiques.

Quant aux fictions de la Table ronde, non-seulement elles ne se rattachent pas à des faits réels : elles n’ont aucun caractère de nationalité. Les chevaliers errans sont les plus indépendans, on pourrait dire les plus égoïstes de tous les héros épiques. Toujours perdus dans les forêts, dans les déserts, dans les lieux sauvages, les seuls qui promettent des aventures étranges et périlleuses, ils n’agissent jamais que d’après leur inspiration et pour leur gloire personnelles. Toute la vérité qu’il peut y avoir dans des tableaux de ce genre, c’est celle des mœurs et des idées qui sont peintes. Sous ce rapport et par opposition aux romans carlovingiens, on peut dire des fables de la Table ronde, qu’elles sont purement idéales.

Pour ce qui est de l’ancienneté, je crois avoir montré clairement que les romans carlovingiens ont dû précéder de beaucoup ceux du cycle breton et renferment à-la-fois et plus de vestiges et des vestiges plus marqués de l’état primitif de l’épopée romanesque.

Enfin je crois avoir démontré que les différences de ton et de style qui existent entre les deux classes de romans sont constantes, tranchées et caractéristiques, comme celles qui tiennent au sujet même, et dont elles sont une conséquence naturelle. J’ai fait voir que la popularité, que l’austère et rude simplicité de l’épopée primitive s’est beaucoup mieux maintenue dans l’épopée carlovingienne que dans l’autre.


J’examinerai dans une prochaine livraison ce qui résulte de ces notions générales sur l’histoire, et les caractères des romans épiques de l’un et de l’autre cycle, relativement à la question de savoir à quel peuple doit être attribuée l’invention de ces romans.

(La 3e partie à une prochaine livraison.)
fauriel.