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ROMANS DE LA TABLE RONDE.

indécise et vague dans ses formes, austère, plus religieuse que galante, ne songeant pas encore à faire de l’amour le culte des dames ni le principe des actions guerrières, ou du moins n’y songeant que passagèrement et comme par exception. Aussi dans ces romans, les mœurs chevaleresques sont-elles encore fortement empreintes de la barbarie antérieure, dont la chevalerie n’était au fond qu’une réforme, qu’un correctif.

Les romans du cycle breton sont, au contraire, le tableau de la chevalerie prise à son plus haut degré de développement et d’exaltation, de la chevalerie errante et amoureuse, avec tous ses raffinemens, toutes ses conventions et toutes les exagérations de son point d’honneur. Quand l’Arioste dit, au début de son Roland furieux, qu’il chante les dames et les chevaliers, l’amour et les armes, les courtoisies et les entreprises hardies, il ne fait guère que traduire à son insu la formule de début de plusieurs romans de la Table ronde, qu’il n’avait probablement jamais vus, et dont les auteurs déclarent qu’ils vont faire de beaux récits de sens et de chevalerie, de valeur et de courtoisie, de prouesses et d’aventures étranges et terribles.

Les fictions carlovingiennes se rattachent à des faits historiques, non-seulement réels, mais importans ; d’un intérêt vraiment national et populaire, et dont la tradition persistait encore parmi la masse des diverses populations de la France aux xiie et xiiie siècles. Nul doute que ces fictions, à force d’être remaniées et surchargées, n’aient fini par s’éloigner de plus en plus des traditions populaires, qui en étaient la base, et par fausser ces traditions elles-mêmes. Toutefois il est peu de romans carlovingiens au fond desquels on ne trouve encore quelque fait réel, qui en est comme le noyau. Il y a plus : il y a lieu de soupçonner que diverses particularités, que personne n’a songé à distinguer des fables où elles sont comme jetées et perdues, sont des particularités historiques, omises par les chroniques.

Enfin si fabuleux, si monstrueusement fabuleux que soient tous ces romans carlovingiens, je n’hésite pas à dire qu’il en est cependant quelques-uns qui, quant au sentiment général des