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ROMANS DE LA TABLE RONDE.

c’est à la Grande-Bretagne qu’est apporté le graal, et c’est là qu’il devient l’objet des quêtes de la chevalerie errante.

J’ai déjà parlé des énormes romans en prose, dans lesquels il s’agit de ces quêtes ; mais c’est ici le cas d’en dire quelques mots de plus. Ces romans, au nombre de quatre, sont ceux du Graal proprement dit, de Merlin l’enchanteur, de Lancelot-du-Lac et de Tristan. — Non-seulement ces quatre romans, pris ensemble, forment par leur réunion un cycle que l’on pourrait nommer le cycle du graal breton ; mais chacun d’eux, pris à part, fait à lui seul une espèce de cycle qui les comprend tous. Cela est surtout vrai des trois premiers, dans chacun desquels sont résumées et fondues les fables qui font le sujet particulier des deux autres. Ainsi, par exemple, l’histoire du graal embrasse sommairement celle de Lancelot-du-Lac et d’autres chevaliers de la Table ronde. — De son côté, le roman de Lancelot reprend et donne de nouveau toutes les principales circonstances de l’histoire du graal, pour y rattacher une partie des aventures du héros et de plusieurs autres chevaliers. — En somme, chacune de ces compositions est une énorme épopée, dans laquelle sont coordonnées, entrelacées et comme fondues les unes dans les autres plusieurs épopées distinctes, et des épopées déjà considérables, déjà très développées. — Ainsi, tout comme il y avait des épopées chevaleresques qui étaient le développement ou l’amalgame de chants épiques populaires peu étendus, il en existait d’autres qui avaient pour élémens de véritables épopées, volumineuses et complexes.

C’est un phénomène remarquable dans l’histoire de la poésie épique, que cette disposition, cette tendance constante du goût populaire à amalgamer, à lier en une seule et même composition le plus possible de compositions diverses. Cette disposition persiste, chez un peuple, tant que la poésie conserve un reste de vie, tant qu’elle s’y transmet par la tradition, et qu’elle y circule à l’aide du chant ou des récitations publiques. Elle cesse partout où la poésie est une fois fixée dans les livres, et n’agit plus que par la lecture. Cette dernière époque est, pour ainsi dire, celle de la propriété poétique, celle où chaque poète