Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/698

Cette page a été validée par deux contributeurs.
698
REVUE DES DEUX MONDES.

plan et à l’idée d’un autre. Mais, en général, le continuateur n’inventait pas cette fin qu’il ajoutait à un roman incomplet ; il en tirait le fond, la substance de quelque autre roman sur le même sujet, qu’il se bornait à paraphraser ou à traduire.

Il suit de là que les sujets des romans de la Table ronde, aussi bien que ceux des romans carlovingiens, étaient traités successivement par différens romanciers. — Chacun de ces romanciers y mettait, sans doute, un peu du sien, mais seulement, à ce qu’il paraît, dans les accessoires et dans les détails. Le roman restait le même quant au fond, et le second romancier respectait et consacrait, en quelque manière, la création du premier. Nous avons vu qu’il en était tout autrement dans les diverses façons des romans carlovingiens : le romancier qui traitait de nouveau un sujet de roman déjà traité, le traitait d’une manière toute nouvelle, et ne manquait pas d’accuser son devancier d’inexactitude ou de fausseté. C’était une conséquence naturelle de la prétention qu’avaient tous les romanciers de cette classe de passer pour des copistes d’historiens véridiques. Les romanciers de la Table ronde, qui avaient moins de prétention aux apparences de la véracité, n’avaient pas non plus les mêmes motifs de répudier les fictions de leurs devanciers, ni de les discréditer.

Une autre différence plus importante encore entre les romans d’Arthur et les romans carlovingiens, est celle qui concerne l’origine et les élémens primitifs des uns et des autres. Je crois avoir assez nettement indiqué ailleurs comment l’épopée carlovingienne, partant de chants populaires historiques, simples et courts, s’amplifia et se compliqua par degrés jusqu’à des compositions de vingt ou trente mille vers. Il n’en fut point de même dans les épopées du cycle d’Arthur.

Il est bien vrai, et je viens de l’observer tout-à-l’heure, que plusieurs sujets de la Table ronde furent traités successivement plusieurs fois, et à chaque fois amplifiés et rendus plus complexes. Mais tout me porte à croire que les romans de cette classe, dans leur état le plus simple, ou, si l’on veut, le plus grossier, ne furent jamais de vrais chants populaires. Ils ne re-