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sure, dont il ne devait guérir que dans un terme et à des conditions prescrites par le ciel même, la vie ne fut plus pour lui qu’un horrible et long supplice.

Perceval, qui lui succéda dans la royauté du graal, s’y conduisit mieux et y fut plus heureux que ses deux devanciers. Mais le torrent des vices allait toujours croissant dans l’Occident, et il ne s’y trouva bientôt plus aucun pays digne de posséder le graal. Alors Perceval, à la tête de la chevalerie du temple, transporta le vase mystérieux dans les contrées de l’Orient, où il fit les mêmes prodiges qu’en Occident, et où les romanciers se sont donné le plaisir de rattacher son histoire à celle du fameux prêtre Jean.

Tels sont les traits les plus saillans de cette étrange fiction du graal. Ils ne laissent aucun doute sur l’esprit, ni sur le but ou du moins sur la tendance de cette fiction.

Ce vase mystérieux du graal était évidemment un symbole matériel de la foi chrétienne.

La milice, la chevalerie instituée pour sa garde était non moins évidemment une chevalerie toute spéciale, toute religieuse, et de tout point opposée à la chevalerie mondaine, proscrivant, rejetant tout ce qui faisait l’essence et la gloire de celle-ci, c’est-à-dire l’amour, le dévoûment aux dames, l’achèvement d’entreprises périlleuses pour l’amour d’elles. Il y a plus, tout autorise à présumer que cette chevalerie du graal n’était pas une pure idée, un simple rêve poétique des romanciers qui la peignirent. C’était, selon toute apparence, une allusion directe et formelle à l’institution de la milice des Templiers. Encore passé le milieu du douzième siècle, l’église avouait cette chevalerie pour la seule véritable, pour la chevalerie selon ses vues. Le témoignage de saint Bernard là-dessus est positif et remarquable. Le rapport de nom entre les templiers du graal et les autres est trop direct et trop frappant pour être insignifiant et accidentel. C’est une remarque qui a déjà été faite par des littérateurs allemands, et en particulier par M. de Hagen, et j’aurai par la suite plus d’une raison nouvelle à apporter à l’appui de cette conjecture historique. Je me borne à