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ROMANS DE LA TABLE RONDE.

Parmi les idées caractéristiques que les romanciers ont attribuées aux chevaliers du graal, il ne faut pas oublier celles relatives au sacerdoce et aux prêtres. Pour un templiste, tout prêtre chrétien, dès le moment où il avait été tonsuré, était un roi, un vrai roi, plus puissant que les rois du monde, puisqu’il était institué par Dieu même, et que son pouvoir s’étendait à des choses d’un ordre bien autrement relevé que les choses de la terre. Il y a lieu de supposer, bien que je n’en aie pas la preuve certaine, que les prêtres conféraient seuls l’ordre de la chevalerie aux rois du graal. Quant à Titurel, en particulier, il est expressément dit qu’il avait été fait chevalier par un évêque.

De telles idées, dans une fiction romanesque dont elles sont la base, suffiraient seules pour caractériser cette fiction et pour en révéler les motifs. Mais l’indication de quelques-uns des faits inventés pour la mise en action de ces mêmes idées leur donnera encore plus d’évidence et de saillie.

Titurel, le fondateur du culte du graal, eut pour successeur immédiat dans son office de roi du saint vase, son fils Frimutelle, qui ne suivit pas assez exactement ses pieux exemples. Il avait pris une femme, comme il en avait le droit ; mais il ne put se soustraire entièrement à l’empire des idées et des habitudes de la chevalerie mondaine ; il aima une belle demoiselle, fille de roi, nommée Floramie. Dans une telle disposition, il avait perdu complètement la grâce du graal, et devait être puni. Il périt dans une joute où il s’était engagé pour plaire et faire honneur à sa belle Floramie.

Il eut pour successeur son fils Amfortas, qui manqua encore plus gravement que lui à ses devoirs de roi du graal. Il ne prit point de femme et s’abandonna à l’amour chevaleresque, sans toutefois manquer aux conditions de chasteté et de moralité requises dans cet amour. C’est la remarque expresse du romancier. Mais il ne put résister à la beauté et aux charmes d’une demoiselle nommée Orgueilleuse, se fit son chevalier et la servit d’amour. Ayant livré pour elle un combat à un autre chevalier, il y reçut la punition de sa désobéissance au graal, il y fut blessé d’un coup de lance à la cuisse, et par suite de cette bles-