Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/686

Cette page a été validée par deux contributeurs.
686
REVUE DES DEUX MONDES.

passion. Ce vase, doué des vertus les plus merveilleuses, fut emporté et gardé par les anges dans le ciel, jusqu’à ce qu’il se trouvât sur la terre une lignée de héros digne d’être proposée à sa garde et à son culte. Le chef de cette lignée fut un prince de race asiatique, nommé Perille, qui vint s’établir dans la Gaule, où ses descendans s’allièrent, par la suite, avec les descendans d’un ancien chef breton.

Titurel fut celui de l’héroïque lignée à qui les anges apportèrent le graal pour en fonder le culte dans la Gaule. Le prince élu pour ce grand et mystérieux office s’en montra digne : il fit bâtir, sur le modèle du temple de Salomon, à Jérusalem, un magnifique temple dans lequel fut déposé le graal. Il régla ensuite le service de la garde du saint vase, et tout le cérémonial de son culte. Ses descendans n’eurent plus qu’à maintenir ses pieuses institutions ; mais la tâche avait ses difficultés, et ils n’y réussirent pas toujours.

De tout ce qui a rapport aux vertus surnaturelles du graal, à sa garde, à son culte, je ne rapporterai ici que les traits propres à caractériser la pensée qui domine dans toute cette mystique fiction et en marquer l’objet.

Il y a, dans la forme extérieure du graal, quelque chose de mystérieux et d’ineffable que le regard humain ne peut bien saisir, ni une langue humaine décrire complètement. Du reste, pour jouir de la vue même imparfaite du saint vase, il faut avoir été baptisé, il faut être chrétien ; il est absolument invisible aux païens, aux infidèles.

Le graal rend de lui-même des oracles, des sentences, par lesquels il prescrit tout ce qui, dans les cas imprévus, doit être fait en son honneur et pour son service. Ces oracles ne sont point exprimés à l’oreille par des sons ; ils sont miraculeusement figurés à la vue, en caractères écrits sur la surface du vase, et disparaissent aussitôt qu’ils ont été lus.

Les biens spirituels attachés à la vue et au culte du graal se résument tous en une certaine joie mystique, pressentiment et avant-coureur de celle du ciel. Les biens matériels, effets de la présence du saint vase, étaient beaucoup plus faciles à énoncer :