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voulu se transporter. Sans chercher, pour le moment, à en déterminer l’époque et le berceau véritable, il suffira de dire que les mœurs et les idées dont il s’agit sont celles de la chevalerie. Mais cette expression est bien vague, elle a besoin, pour signifier quelque chose, d’être un peu développée et précisée.

Il est arrivé aux romans de la Table ronde la même chose qu’à ceux du cycle carlovingien ; il s’en est beaucoup perdu, surtout des premiers. Il ne faut que jeter un coup-d’œil sur les plus anciens de ceux qui nous restent, pour s’assurer qu’ils ne sont pas les premiers essais du genre, qu’ils en supposent d’autres antérieurs, dont ils sont la continuation, le développement, l’on peut ajouter, et le perfectionnement.

Pris collectivement et en masse, ces romans de la Table ronde, qui se sont conservés jusqu’à nous, ont tous cela de commun, qu’ils sont tous une expression plus ou moins idéale, plus ou moins poétique de la chevalerie. — Mais la chevalerie n’est pas prise, dans tous, sous le même point de vue ; elle y est, au contraire, représentée sous deux aspects fort différens, on peut même dire opposés ; ces romans forment ainsi deux classes, ou, si l’on veut, deux cycles particuliers, on ne peut plus distincts l’un de l’autre. Mais, pour expliquer cette distinction, je dois rappeler ici, en peu de mots, l’origine, l’histoire et les caractères généraux de la chevalerie.

Cette institution fut le résultat combiné de deux forces, de deux impulsions contraires. Le clergé chrétien, dépositaire des lumières et des intérêts de la civilisation après la conquête de l’empire romain par les barbares, était entré forcément en lutte contre les pouvoirs nés de cette conquête ; cette lutte, de plus en plus animée, était montée à son plus haut degré de violence durant la période de la féodalité. La classe sacerdotale, spoliée, vexée journellement par les hommes de la caste féodale, et obligée de défendre à-la-fois contre eux ses intérêts matériels et sa dignité, eut recours, dans ce but, à diverses mesures, à diverses institutions, dont la chevalerie fut l’une, et la plus remarquable.

Ainsi, prise à son origine et dans ses premiers développe-