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UN SOUVENIR DU BRÉSIL.

quittez donc ! me dit le planteur, et vous avez l’air fâché encore ! mais je vous le pardonne, vous êtes un homme de l’autre côté de l’eau. C’est singulier, pourtant ! Allons, adieu. Vous vous y ferez.

C’était un de ces beaux jours, si fréquens au Brésil pendant la saison des pluies. Les forêts rafraîchies agitaient doucement leur cime verdoyante : toute la nature se réjouissait au soleil. À peu de distance de l’habitation, je vis, sur le bord du chemin, une étroite enceinte à moitié enfouie sous la végétation. Une faible palissade l’entourait, à peine suffisante pour la protéger contre les bêtes fauves dans leurs excursions nocturnes. La terre en avait été remuée depuis peu : la fosse était plus large que de coutume, et une croix formée de deux morceaux de bois attachés ensemble avec des lianes, se penchait à moitié tombée sur elle. Je m’y arrêtai un instant.

Là, quelques pensées vinrent traverser mon âme. Qu’était-ce ? Quoi ? je ne sais : visions, souvenirs effacés, rêves, qu’importe ?… … Pourtant, je levai les yeux vers le ciel… Si glorieux, pensai-je, et souriant sur cette fosse !…


Théodore Lacordaire.