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HISTOIRE DU TAMBOUR LEGRAND.

dions dans l’œil de notre amie, nous admirions son visage qui brillait au milieu de ses voiles et de sa chevelure noire, comme la lune lorsqu’elle se montre rose et argentée au milieu des nuages sombres. C’étaient de grands traits grecs, des lèvres hardiment arrondies, empreintes de mélancolie, de tendresse et de gaîté enfantine, et lorsqu’elle parlait, les paroles retentissaient profondément, comme des soupirs, et s’échappaient cependant vivement et avec impatience. Quand elle parla, oh ! alors, comme une joyeuse harmonie, se représentèrent tous les jeux de mon enfance, enfin par-dessus tout, la voix de la gentille Véronique retentit comme le son d’une clochette ; je pris la main de ma belle amie, et je la pressai contre mes yeux jusqu’à ce que ce bruit eût passé. Puis, je me levai en riant, le chien en aboyant, et le front du vieux général devint encore plus sévère et plus sombre.

Je m’assis de nouveau, je repris la petite main, je la baisai et je me mis à parler de la petite Véronique.


Madame, vous désirez que je vous décrive la tournure de la petite Véronique ; mais je ne veux pas. Vous, madame, on ne peut pas vous forcer de lire une ligne de plus que vous ne voulez ; moi, de mon côté, j’ai le droit de n’écrire que ce qui me plaît. Il me plaît donc de vous décrire en ce moment la belle main que j’ai baisée dans le précédent chapitre.

Avant tout, je dois en convenir, je n’étais pas digne de baiser cette main. C’était une belle main, si tendre, si transparente, si éclatante, si douce, si parfumée, si soyeuse, si aimable, — en vérité, j’ai envie d’envoyer chez l’apothicaire chercher douze gros d’épithètes.

Au doigt du milieu était un anneau avec une perle. — Je n’ai jamais vu perle jouer un si misérable rôle ; à l’index, elle portait un diamant ; c’était un talisman, car tant que je le voyais, j’étais heureux, car là où il était, était aussi le doigt, conjointement avec ses quatre collègues ; et souvent avec les cinq doigts elle me frappait la bouche. Mais elle ne frappait pas fort, et je l’avais toujours mérité par quelque parole impie. Quand elle m’avait frappé, elle s’en repentait aussitôt, elle prenait un gâteau, le rompait en deux, m’en donnait une moitié, et donnai l’autre moitié au chien brun, en disant avec un doux sourire :