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REVUE DES DEUX MONDES.

je ne me souviens pas de vous avoir rien donné. (À part.) Car pourquoi le ferais-je ? Un anneau qui vaut plus de 10 écus ! Non, non, mes bons amis, pas de cela, pas de cela… Faites attention à ce que je dis, et que mes paroles vous servent d’avertissement : ce que je vous ai donné le soir, quand je suis ivre, il faut me le rendre le lendemain matin. Quand les domestiques gagnent plus qu’ils ne peuvent manger, ils deviennent insolens et se moquent de leurs maîtres. — De combien est ton gage ?

LE SECRÉTAIRE.

Monseigneur m’a toujours donné 200 écus par an.

JEPPE.

Je te donnerai le diable, 200 écus ! qu’est-ce que tu fais pour gagner 200 écus ? Moi, il faut que je travaille comme un cheval du matin jusqu’au soir… et je puis à peine… Allons, voilà mes lubies qui me reprennent. — Un verre de vin !… (Il boit.) 200 écus ! c’est ce qui s’appelle écorcher son maître. Écoutez, mes bons amis, je vais vous dire une chose : quand j’aurai dîné, j’ai l’intention de vous faire tous pendre dans la cour. Vous verrez qu’on ne se moque pas de moi pour les affaires d’argent.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Qu’on fasse venir mon bailli, dit-il. — Le bailli vient ; il a des boutons d’argent et une ceinture autour du corps. Votre grâce a-t-elle quelque chose à ordonner ?

JEPPE.

Rien, si ce n’est que tu sois pendu.

LE BAILLI.

Je n’ai fait aucun mal à votre grâce, pourquoi serais-je pendu ?

JEPPE.

N’es-tu pas bailli ?

LE BAILLI.

Je le suis, votre grâce.

JEPPE.

Et tu demandes encore pourquoi tu seras pendu !… Combien as-tu d’appointemens ?