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compromettent jamais par leurs œuvres, ont avisé, dans un volume anglais, l’anecdote qui fait le sujet de Mateo. Et je les remercie de leur découverte, car, depuis que j’ai lu ce volume accusateur, j’ai pour le récit français un enthousiasme plus sérieux.

Si les vingt lignes du journal de Benson contiennent Mateo, il faut déclarer du même coup que Charlevoix contient les Natchez, et que le Pèlerinage de Byron se trouve dans les itinéraires de Reichard.

Tamango, quoique inférieur à Mateo, se distingue entre toutes les compositions de Mérimée par des qualités particulières : c’est un récit qui commence comme une satire et qui finit comme une épopée homérique ou dantesque. Malgré l’antipathie bien connue de l’auteur pour les images lyriques, pour les comparaisons solennelles, il cède malgré lui à l’irrésistible majesté de son sujet, et se laisse entraîner aux mouvemens de la plus tumultueuse poésie. Il a beau se contenir, se mettre en garde, son front calme et serein, son regard paisible et assuré ne peuvent le soustraire à la lumière éblouissante dont il a lui-même concentré les rayons. L’exemplaire sagesse de son esprit ne réussit pas à le préserver de la débauche. Et tant mieux ! car il y a dans Tamango une magnifique poésie.

La Partie de trictrac n’est pas un récit complet. Le commencement surtout est confus ; mais le caractère de la comédienne est parfait. Le suicide du Hollandais, ivre et ruiné, le désespoir et la résignation du malheureux jeune homme qui a triché au jeu et qui se méprise, sans pouvoir convertir à sa haine pour lui-même l’incrédulité frivole de sa maîtresse, sont des traits excellens.

Cependant, malgré le mérite éminent de ces trois compositions, l’engouement des lecteurs pour Prosper Mérimée ne s’est déclaré bien franchement et avec tous les caractères d’une véritable épidémie qu’après le Vase étrusque. Or, je ne crains pas de le dire hautement, et tous les hommes de réflexion et de bonne foi se rangeront à mon avis, le Vase étrusque est le pire, le plus maniéré, le moins vrai, le moins naïf et le moins simple