Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/569

Cette page a été validée par deux contributeurs.
565
ROMANS CARLOVINGIENS.

certains romans du cycle carlovingien, sont en nombre indéterminé. Je viens d’en noter trois de suite : il y a des romans où je crois en avoir compté jusqu’à cinq ou six ; mais pour l’ordinaire, il n’y en a pas plus de deux à-la-fois pour un seul et même thème.

Celles que je vous ai citées sont de simples variétés de rédaction, variétés qui tiennent toutes à un même fond et peuvent toutes en sortir. Il y en a de plus marquées, et qui tiennent à des différences de motif, d’intention et d’idée. Celles-là sont évidemment les plus importantes. Je vous en citerai deux qui me paraissent assez curieuses. Je les tire de ce même roman d’Aiol de Saint-Gilles, dont je vous ai déjà parlé plusieurs fois, et dont j’ai besoin de vous parler encore ici, pour vous mettre à portée de bien saisir ce que j’ai besoin de vous expliquer.

Comme je vous l’ai dit, Elie, comte de Saint-Gilles, a été proscrit par Louis-le-Débonnaire, et vit dans une forêt des landes de Gascogne, ayant pour tout voisinage un ermite, et pour toute société sa femme et son fils Aiol. — Lorsque celui-ci est en âge de faire quelque chose par lui-même, son père l’envoie chercher fortune dans le monde, et lui donne, pour cela, tout ce qu’il a conservé de son ancienne puissance ; ce sont ses armes, son écu, sa lance, son épée, et un destrier d’une bonté incomparable, nommé Marchegay. Il convient, avant de passer outre, de dire qu’Elie est un héros du vieux temps, un héros de dure et fière trempe, une espèce de géant pour la taille et pour la force. Sa lance était si longue, qu’il n’avait pu la loger sous le toit de son ermitage ; et pour y faire entrer son épée, il lui avait fallu en raccourcir la lame de trois pieds et d’une palme ; et ainsi raccourcie, elle surpassait encore d’une aune la plus longue épée de France.

Aiol se mit au service de Louis-le-Débonnaire, où il eut de si bonnes et de si belles aventures, qu’il finit par être, dans l’empire, au moins l’égal de l’empereur. — Dans cette prospérité, son premier soin fut d’envoyer chercher son père et sa mère, et de les réconcilier avec Louis.

Dans le roman d’Aiol, la première entrevue de celui-ci et