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ROMANS CARLOVINGIENS.

Gérard de Roussillon, et tout autorise à présumer qu’il y en a eu bien d’autres, aujourd’hui perdus. Il n’est probablement pas un seul sujet du cycle carlovingien qui n’ait été traité plusieurs fois dans le cours des deux siècles d’activité poétique que j’ai particulièrement en vue ; et il y a tel de ces sujets, par exemple, le désastre de Roncevaux, qui paraît avoir été, durant ces deux siècles, un thème inépuisable de variantes romanesques.

À cette observation, ou pour mieux dire à ce fait, j’en ajouterai un autre qui m’en paraît la stricte conséquence : c’est qu’en général ceux des romans du cycle carlovingien qui nous restent, sont les plus récens, les derniers faits sur leurs sujets respectifs. Les plus anciens durent, pour la plupart, disparaître ou tomber dans l’oubli, par le seul fait de l’existence des nouveaux, et par l’effet naturel du besoin de nouveauté dont ceux-ci étaient le symptôme.

Il me reste à noter la formule de début des romans du cycle carlovingien ; elle est constante, éminemment épique et populaire. Le romancier se suppose toujours entouré d’une foule, d’un auditoire plus ou moins nombreux, qu’il exhorte à l’écouter, et qu’il invite au silence. « Seigneurs, voulez-vous entendre une belle chanson d’histoire, la plus belle que vous avez jamais entendue, approchez-vous de moi, cessez de faire du bruit, et je vais vous la chanter. » Voilà, en résumé, tous les débuts des romans carlovingiens. Mais, si simple que soit ce début, il s’y rattache bien des considérations intéressantes.

Et d’abord, quant au mot chanter, qui ne manque jamais dans cette formule initiale, il ne faut pas le prendre, comme dans la poésie moderne, pour une métaphore : il faut le prendre et l’entendre à la lettre ; car, dans l’origine, les romans dont il s’agit étaient faits pour être chantés, et l’étaient en effet. Il serait curieux de savoir comment ; mais c’est sur quoi l’on ne peut guère avoir que des notions vagues et fort incomplètes.

Il paraît que la musique sur laquelle étaient chantés les poèmes dont il s’agit, était une musique extrêmement simple, large, expéditive, analogue au récitatif obligé de l’opéra. — Il est douteux qu’il y eût à ce chant un accompagnement instru-