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nir amoureuse du jeune étranger, mais celui qu’elle a eu, elle l’a bien employé. Vous allez en juger par le passage suivant que je vous demande la permission de citer dans toute sa naïveté ; et pour cela, il est indispensable de le citer textuellement. — Le lit est fait, minutieusement décrit, il ne s’agit plus que d’y mettre Aiol ; c’est encore Luziane qui s’est chargée de ce soin :


Aiol en appela, si li a dit :
Damoiseau, venez ça, huimais dormir.
Par le poing le mena jusques-au lit,
Puis le fit déchausser, nud dévêtir ;
Et quand il se coucha bien le couvrit.
...............
Doucement le tâtonne la demoiselle,
Elle lui mit la main à la maisele (joue),
Oiez que doucement elle l’apele :
Tournez-vous donc vers moi, jouvente belle (beau jeune homme),
Si vous voulez baiser ou autre jeu faire ;
J’ai fort en mon désir que je vous serve.
Je n’eus oncques ami en nulle terre.
Un penser m’est venu, votre veux être,
S’il vous vient à plaisir que je vous serve,
— Belle, se dit Aiol, le roi céleste,
Qui fit vent et mer et ciel et terre,
Vous rende tout le bien que vous me faites ;
Mais allez vous coucher, bien en est terme (temps),
Là-bas en votre chambre avec vos femmes,
Jusqu’à ce que demain l’aube paraisse.
Vous saurez de mon cœur, moi de votre être (de votre état, de votre santé),
Tout cela sera bien conté demain au vêpre. —
Mais attendre ne plaist à Luziane ;
La pucelle s’en va le cœur iré (chagrin),
En sa chambre elle rentre, l’uis (la porte) a fermé,
Mais elle n’y peut dormir ni reposer :
Toute nuit, elle parle, en son penser ;
— Damoiseau fort vous êtes gentil et ber (brave),
Mais je ne vis homme de votre aé (âge)
Qui ne voulut femme vers lui tourner.
Bien vous pouvez être moine si vous voulez
Allez prendre l’habit, pour qu’attendez.