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ROMANS CARLOVINGIENS.

ment liés l’un à l’autre. — Il comprenait tout ce qui concernait l’exercice de la valeur guerrière, d’un côté ; de l’autre, la manière d’entendre et de faire l’amour.

Pour ce qui concerne le premier point, on a déjà pu voir, par ce que j’ai dit des romans du cycle carlovingien, qu’ils sont un tableau poétique très fidèle de la bravoure chevaleresque, surtout aux premières époques de la chevalerie, lorsque l’institution était encore principalement religieuse, encore soumise à l’influence et à la direction de l’autorité ecclésiastique. La première condition de cette bravoure était de s’exercer au profit de la religion et de la foi, contre les Sarrasins. C’était par ce motif, par ce caractère religieux, que l’exaltation et les prodiges du courage chevaleresque prenaient de la vraisemblance, à des époques d’enthousiasme et de croyance où l’on se figurait Dieu intervenant à chaque instant dans des affaires que l’on tenait sérieusement pour les siennes. Tel exploit de guerre que l’on aurait révoqué en doute, en le considérant en lui-même et d’une manière abstraite, devenait croyable par cela seul qu’il était fait contre des païens, contre des hommes qui croyaient à Mahomet. À cette unique condition de les mettre aux prises avec des infidèles, le poète romancier pouvait aventurer impunément ses paladins et ses chevaliers dans les situations les plus difficiles, leur faire entreprendre et faire tout ce que lui-même avait pu imaginer.

En ce sens donc, c’est-à-dire quant à ce qui tient à la bravoure guerrière et à l’esprit religieux, le champion des romans carlovingiens est bien l’idéal du chevalier du douzième siècle et du treizième. Quant au raffinement moral, quant à la manière de comprendre et de faire l’amour, ce n’est plus la même chose ; et il y a sur ce point des distinctions importantes à faire.

En général l’amour joue un bien moins grand rôle dans les romans carlovingiens que dans ceux de la Table ronde, et il ne joue pas à beaucoup près le même rôle dans tous.

Parmi ces romans, il en est quelques-uns, des meilleurs comme des plus mauvais, où le peu qui se trouve d’amour est traité selon les idées les plus délicates et les plus pures du système de