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manière dont ils peignent son caractère et le mettent en action, on est autorisé à croire qu’ils l’ont conçu moins comme but, que comme un moyen commode de donner à leurs inventions une unité constante, et pour ainsi dire convenue. Leur Charlemagne donne parfois de bons coups d’épée, il est on ne peut plus zélé pour le triomphe de la foi, il impose souvent par l’appareil de puissance matérielle, par l’éclat de renommée qui l’environne ; mais il a parfois aussi des emportemens et des caprices peu convenables à sa dignité ; il est souvent d’une crédulité outre mesure, et se laisse tromper avec une facilité visible par les conseillers perfides qui veulent lui jouer de mauvais tours à lui, ou à quelqu’un de ses fidèles paladins. Il est d’ordinaire fort embarrassé dans les circonstances difficiles, et l’on ne voit guère ce qu’il ferait, s’il n’y avait là de vieux ducs plus habiles que lui pour lui dire ce qu’il faut faire. En un mot, il se fait autour de lui, à son profit et sans qu’il s’en mêle, des merveilles de bravoure et d’audace : on peut bien supposer qu’il les inspire ; mais on ne voit pas dans son caractère la raison de cet ascendant.

Ces observations m’amènent à considérer la manière dont les idées et les mœurs chevaleresques sont traitées dans les épopées carlovingiennes. C’est un des côtés par lesquels ces épopées sont plus ou moins historiques. — Il est intéressant de savoir jusqu’à quel point et dans quel sens elles le sont.

Les romans de la Table ronde sont une expression plus complète, plus positive et plus détaillée de la chevalerie que les romans carlovingiens. Aussi n’est-ce qu’à propos des premiers que je pourrai exposer convenablement l’ensemble de ce que j’ai à dire sur les rapports des romans chevaleresques des douzième et treizième siècles avec les institutions et les idées de la chevalerie. — Je ne jetterai maintenant à ce sujet que des observations destinées à avoir ailleurs leur suite et leur complément, mais qui, dans la mesure et la portée qu’elles peuvent avoir ici, y sont convenables ou nécessaires.

Le système des idées et des mœurs chevaleresques comprenait deux points principaux, parfaitement distincts, bien qu’intime-