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dans des romans dont l’intention principale était de célébrer les victoires des chrétiens sur les musulmans, de ne pas rencontrer le nom du chef qui gagna la bataille de Poitiers, qui chassa les Arabes de la Provence, et leur enleva tout ce qu’ils possédaient dans la Gaule.

Suivant leur système, et leur parti pris de transformer en musulmans tous les peuples avec lesquels Charlemagne fut en hostilité, ils changèrent en Sarrasins, en Maures d’Espagne, les Lombards et les Grecs de la basse Italie, auxquels le monarque franc fit aussi la guerre. Ils composèrent sur cette guerre divers romans, dont le plus remarquable fut nommé le Roman d’Aspremont. Ce nom appartient à la géographie imaginaire ou arbitraire des romanciers, dont j’aurai plus d’une occasion de parler, pour en signaler la singularité et les inconvéniens : il désigne une montagne qui occupe une grande place dans le roman, et qui ne peut être qu’une des parties méridionales de l’Appenin. Le romancier en fait un tableau sur l’effet duquel il est évident qu’il comptait beaucoup ; et ce tableau prouve que les romanciers du moyen âge faisaient, en géographie, des transpositions analogues à celles qu’ils faisaient en histoire. Ils font leur Aspremont si haut, si difficile à traverser, d’un aspect si sauvage ; ils le remplissent de précipices si profonds, de torrens si terribles, ils y entassent tant de glaces et de neiges, qu’il y a tout lieu de croire qu’ils ont transporté à l’Appenin, et en les exagérant encore, les images qu’ils avaient pu se faire de certaines parties des Alpes.

Tel est, autant qu’il m’a été possible de le tracer le cercle général des événemens, des traditions, des fictions, dans lequel roulent les romans des douzième et treizième siècles où Charlemagne figure en personne, comme l’adversaire et le vainqueur des Sarrasins d’Espagne ou d’Orient. Nous verrons tout-à-l’heure jusqu’à quel point le caractère que les auteurs de ces romans donnent généralement au monarque, répond à l’idée des grandes choses faites par lui.

Outre ces romans, il y en a d’autres également destinés à célébrer les victoires des chrétiens sur les musulmans, mais où