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ment comme roi, a été le sujet d’une multitude de fictions romanesques auxquelles il est difficile, si étranges qu’elles soient, de ne pas supposer quelque fondement, quelque prétexte historique. — Ces fictions se rapportent à deux points principaux, à la naissance du héros et aux aventures de sa jeunesse, à Cordoue ou à Sarragosse, à la cour du chef des Sarrasins d’Espagne.

Selon les romanciers, la mère de Charlemagne, nommée par eux Berthe au grand pied, était la fille d’un roi de Bavière ou de Hongrie. Elle fut fiancée à Pépin, qui chargea le chef ou intendant de son palais d’aller la chercher et de la lui amener. Par un singulier hasard, cet intendant avait une fille qui ressemblait extrêmement à Berthe de taille et de figure, et il fonde sur cette ressemblance l’intrigue la plus hardie. — Il se décide à faire périr Berthe et donne sa propre fille pour femme à Pépin.

Cependant Berthe n’a pas été tuée, elle a été recueillie par un meunier chez lequel elle passe plusieurs années, dans la condition la plus obscure, jusqu’à ce qu’un jour Pépin, égaré à la chasse, arrive à la demeure du meunier. Le roi est frappé de la beauté de Berthe. Il lui propose un rendez-vous nocturne qu’elle accepte volontiers, comme une heureuse occasion de se faire connaître par Pépin pour sa véritable épouse, et de lui raconter l’infâme trahison de son intendant. Tout se passe en effet comme elle l’avait espéré ; les traîtres sont punis, et elle entre enfin en jouissance de son titre d’épouse et de reine.

La naissance de Charlemagne est la suite de cette rencontre fortuite de Pépin et de Berthe.

Tout va bien jusqu’à la mort de Pépin : mais alors deux fils que le roi a eus de la fausse Berthe, s’emparent du royaume et veulent faire périr Charlemagne encore enfant, qui leur échappe à peine. Il reste quelque temps caché dans un monastère ; après quoi, il s’enfuit déguisé sous le nom de Mainet et va chercher un refuge en Espagne, à Sarragosse ou à Cordoue. Là, il se présente à la cour de Galafre, roi des Sarrasins, qui, frappé de sa bonne mine, le prend à son service. Galerane, fille de Galafre, qui sous le costume du serviteur démêle le héros, devient amoureuse de lui, et le rend, mais non sans un peu de peine, amou-