Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/533

Cette page a été validée par deux contributeurs.
529
ROMANS CHEVALERESQUES.

hautes dames qu’ils servaient. Mais cette absence de la forme lyrique suffit pour maintenir, dans ces romans, au moins les apparences, les formules de l’épopée.

Un peu plus tard, ces apparences même cessent d’être ménagées : on trouve des romans entremêlés de véritables chansons, de pièces lyriques divisées par strophes, et il y a tout lieu de croire que la partie narrative de ces romans n’en est, pour ainsi dire, que la partie accessoire, bien que matériellement la plus considérable. Ce que le poète semble y avoir le plus soigneusement cherché, c’est un cadre pour les pièces lyriques qu’il y voulait insérer. — Le roman de la Violette ou de Gérard de Nevers, où il y a pourtant des parties de narration fort agréables, est farci d’un bout à l’autre de chansons galantes, la plupart françaises, quelques-unes provençales. Il en est de même d’un autre roman intitulé le Chevalier à la Licorne ; et je ne doute pas que le même amalgame des formes épiques et des formes lyriques n’ait existé dans beaucoup d’autres ouvrages.

Pour achever ce tableau sommaire des révolutions communes aux romans de Charlemagne et de la Table ronde, je n’en ai plus à signaler qu’une qui est la dernière.

J’ai déjà touché plus haut quelque chose des circonstances qui rendirent le mètre, le langage mesuré, moins nécessaire dans les romans chevaleresques. Ces circonstances devinrent de jour en jour plus puissantes et plus générales ; la prose prévalut de plus en plus sur les vers, et finit par être employée presque exclusivement dans les ouvrages destinés à l’amusement des diverses classes de la société.

Dans ce nouvel état de choses, ceux des anciens romans en vers, qui avaient conservé une partie de leur renom et de leur popularité, furent mis en prose. Ce fut sous ce nouveau costume qu’ils continuèrent à circuler jusque vers l’époque de l’invention de l’imprimerie, et qu’ils furent publiés par cette nouvelle voie. Ceux de ces romans qui n’avaient pas encore été alors traduits en prose, tombèrent dans un oubli des suites duquel il devait en périr beaucoup. Dès ce moment, qui plus tôt ou