Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/525

Cette page a été validée par deux contributeurs.
521
ROMANS CHEVALERESQUES.

Les romans de Charlemagne et de la Table ronde sont donc, les uns comme les autres, dans ce qu’ils ont de véritablement historique, des tableaux plus ou moins exacts de la chevalerie ; et ce n’est pas sans motif qu’on les confond souvent sous la dénomination collective de romans ou de poèmes chevaleresques. — Mais de bien s’en faut qu’ils soient chevaleresques de la même manière, au même degré, et dans le même but. Il y a, sur tout cela, des différences caractéristiques, outre les deux grandes classes de romans, et même entre les romans de la même classe. C’est un des côtés les plus intéressans et les plus neufs à considérer dans tous, et c’est un de ceux sur lesquels je reviendrai, en traitant des romans de chaque classe en particulier.

Si différens qu’ils soient d’ailleurs quant aux formes métriques, les romans chevaleresques des deux classes sont également en vers. — C’est un point sur lequel il ne devrait y avoir qu’un mot à dire, pour constater un fait général des plus simples. — Mais ce fait a été contesté, embrouillé, et dès-lors, il importe de le rétablir dans sa vérité et sa simplicité premières.

Les formes métriques sont-elles essentielles au langage poétique, et ne peut-il pas y avoir de la poésie, et de la haute et belle poésie, en langage non mesuré, en prose ? C’est une question de théorie que je serais libre, au moins ici, d’écarter : j’en dirai cependant quelques mots, parce que peu de mots me paraissent suffire pour la résoudre. — Nul doute que l’on ne puisse dire en prose des choses éminemment poétiques, tout comme il n’est que trop certain que l’on peut en dire de fort prosaïques en vers, et même en excellens vers, en vers élégamment tournés, et en beau langage. C’est un fait dont je n’ai pas besoin d’indiquer d’exemples : aucune littérature n’en fournirait autant que la nôtre.

Maintenant, voici deux choses également certaines : de beaux vers, n’exprimant que des choses très prosaïques, peuvent et doivent plaire comme vers, à proportion du degré d’art qu’il a fallu pour les faire, et du degré d’harmonie qu’ils ont pour l’oreille. Ainsi le mètre, la forme métrique, la parole mesurée,