Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
REVUE DES DEUX MONDES.

Le temps a-t-il donc en vain coulé, et quarante ans ne seront-ils pas une leçon ? Si dans le dernier siècle le caractère de la révolution française a pu échapper à la patrie de Frédéric, le même malentendu ne semble guère possible aujourd’hui. L’appréciation des choses ne vous est pas si difficile ; vous avez des philosophes, des historiens, des jurisconsultes, tout doit leur indiquer qu’un pays qui est aujourd’hui roi du nord, qui doit sa rapide puissance aux armes et aux idées, n’est pas l’ennemi naturel d’une nation antique et nouvelle, sur qui reposent aujourd’hui les destinées du midi de l’Europe, et qui n’est pas non plus sans quelque aptitude dans le maniement des armes et des idées. Je suis fâché, je l’avoue, qu’à la faveur de nos revers, la Prusse se soit si fort rapprochée de la France. Nous nous aimerions davantage si nous nous touchions de moins près. En se donnant de pareilles satisfactions, on a rendu l’avenir plus difficile et plus obscur.

Quoi qu’il en soit, monsieur, restons chacun avec calme et courage dans la place où nous avons été mis ; puisons dans l’étude, dans l’exercice de la pensée, l’intelligence de notre siècle, ces douces fraternités de l’esprit et de l’âme, qui peuvent résister aux plus rudes épreuves, ces espérances qui ne meurent pas, la foi dans l’inépuisable énergie du droit et de la vérité. Le temps qui éprouve et développe tout, tirera du cœur des hommes et des nations, les secrets que nous ne saurions encore lire ; en attendant, permettez-moi de vous répéter cette parole impériale : La plus dangereuse de toutes les choses à toucher, c’est la révolution française.


lerminier.