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— C’est donc madame de Merci qui est cause de mes ridicules inquiétudes ce soir ! dit Eugénie d’un ton boudeur. Mais prenez-y garde, monsieur, si vous n’êtes par franc et bien franc, je ne vous pardonne pas.

— Oh ! je le serai, mon Eugénie ; d’ailleurs tu es trop juste pour ne pas permettre qu’on admire une jolie femme.

— Madame de Merci une jolie femme ! s’écria madame de Barènes ; jeune aussi, n’est-ce pas ?

— Elle n’a que trente ans, dit madame de Vercourt.

— Mais trente ans !… Eugénie s’arrêta ; elle se rappela que sa cousine avait beaucoup plus que cet âge, et sans être convaincue qu’à trente ans on soit jeune encore, elle dit à son mari : Eh bien ! monsieur, vous admirez donc la jeune et jolie madame de Merci ?

— Eugénie ! Eugénie !… Eh bien ! je ne te dis rien.

— Oh ! si, Octave ! je serai bonne, je te le promets ; parle.

— Il était midi lorsque j’arrivai à Merci, reprit le colonel. C’est une bien belle habitation que ce château. Je ne l’avais jamais vue en détail. On y a fait dernièrement de grandes réparations. Madame de Merci a un boudoir qui est quelque chose de divin. Eugénie, je veux t’en faire arranger un pareil.

— Que m’importe le boudoir de madame de Merci ? Ce que je veux, c’est savoir pourquoi vous êtes resté chez elle si long-temps.

— Aussi te rendais-je compte de ma journée. Je te disais donc que comme madame de Merci a commencé par me faire visiter son château…

— Y avait-il donc là quelque dame pour qu’elle prît tant de peine ? elle, si indolente de coutume !

— Il n’y en avait pas ; mais lui ayant témoigné le désir de voir sa maison, elle s’est offerte à me servir de guide. Ensuite nous avons dîné.

— Quels étaient les convives ?

— J’étais le seul.

— Un billet d’invitation pour un dîner en tête à tête !