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REVUE DES DEUX MONDES.

(Des runes de l’oubli pouvoir prodigieux !)
Est loin de sa pensée autant que de ses yeux.

Sigurd se lève et dit : Je n’ai plus de colère ?
À table vous avez fait asseoir l’étranger,
Vous l’avez fait boire et manger.
Si vous voulez je serai votre frère,
Nous irons ensemble à la guerre,
À vos côtés j’aurai place au festin,
Et nous partagerons ensemble le butin.
Les Nifflungs à ces mots bien fort se réjouirent.
Pour enchaîner Sigurd par un pacte puissant,
Gunar, ensuite Hogni le blesse en l’embrassant,
Dans une corne à boire ils mêlèrent leur sang,
En burent une part, et l’autre ils l’enfouirent,
Ils sont frères dès ce moment,
De se défendre ils ont fait le serment.

Mais la sœur des Nifflungs, de sa haute demeure,
A vu Sigurd vers eux s’avancer sans frémir,
Et depuis ce moment elle y songe à toute heure,
Et la nuit y pensant, elle ne peut dormir.
Ses yeux le suivent quand il passe,
Nul plus souvent n’atteignit à la chasse
L’élan au pied rapide, aux rameaux tortueux ;
Nul plus souvent de sa main n’y terrasse
Le loup féroce ou l’uroch monstrueux.
Quand les Nifflungs s’en vont en guerre,
Le fort Sigurd ne manque guère
D’en rapporter de l’or brillant.
Nul front plus que le sien n’est chargé de poussière,
Plus que le sien, aucun bras n’est sanglant.
Hilda[1], la fière Hilda, sourit à cette vue,
Et la vierge se dit secrètement émue :

  1. J’ai donné ce nom à ce personnage, qui s’appelle Chrimhilde dans les
    Niebelungs, et Gudruna dans l’Edda.