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Europe les explosions abruptes de l’insurrection ; les peuples peuvent encore être conduits, mais ils ne peuvent plus être trompés. Ainsi, monsieur, on ne persuadera pas à l’Allemagne que nous songeons à recommencer dans son sein nos promenades et nos expéditions pour satisfaire l’ardeur de quelques effervescences belliqueuses ; il n’y eut jamais en France un plus affectueux respect pour l’indépendance de tous les peuples, une sympathie plus franche pour ce que chaque nation a de grandeur et de qualités particulières ; nous serions des ingrats si nous ne répondions pas à l’amitié qu’on nous a témoignée de toutes parts ; et c’est la force, monsieur, de la révolution française, qu’elle ne s’appuie plus aujourd’hui seulement sur elle-même, mais sur la foi et les vœux des autres nations qui la retrouvent pacifique, non plus conquérante, non plus insolente, mais équitable et lionne, véritablement libérale. La réforme anglaise, la liberté germanique, sont les sœurs de la révolution française ; l’humanité, leur mère commune, se complaît et s’admire dans la beauté de leurs traits différens et dans l’indépendante fierté de leur contenance.


Maintenant, les puissances de l’Europe attaqueront-elles de nouveau la révolution française ? Ni l’étude de Martens, ni la lecture des protocoles, ne peuvent sur ce point faciliter les conjectures : mais comparons l’Europe de 1792 et celle de 1832. La France est seule aujourd’hui, isolée, comme au milieu de sa première lutte : les points d’appui lui manquent : la Pologne a succombé, aussi malheureuse qu’en 1794 où l’héroïsme de son Kosciuszko ne put la sauver ; ce n’est qu’en 1795 que la convention réunit la Belgique et le pays de Liège à la France, et elle combattit le stadhouder comme nous avons en face de nous le roi de Hollande ; l’Italie nous est aujourd’hui fermée comme elle le fut jusqu’en 1796 : enfin, comme il y a quarante ans, nous sommes sans alliés, seuls devant l’Europe.

Pour continuer le parallèle, monsieur, la France ne désire pas plus la guerre qu’elle ne la désirait en 1792 : même les précieux intérêts du commerce et de l’industrie l’en détournent ;