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est une forfanterie de l’antiquité ; trois poètes, c’est beaucoup dire. Il y en a qui diront, — c’est trop de bonheur !

Poètes ! la révolution de juillet les surprend tout-à-coup comme l’orage qui tombe. — Ils restent ébahis, regardent en l’air et sans rien voir ! D’où vient la grêle ?

Aussi tous les trois ils ont succombé à la tâche. Victor Hugo, à peine descendu des tours de Notre-Dame, qu’il a indiquées sans le vouloir à de pauvres conspirateurs ; Victor, tout ébloui de la hauteur d’où il est descendu, a voulu chanter la révolution de juillet. M. d’Argout l’a fait entrer dans son programme de 1831, et lui a donné la meilleure place, le Panthéon, ma foi ! rien que cela. Le poète devait faire l’ode funèbre pour les morts de juillet. Au premier abord, il a trouvé cela grand et beau. Les morts de juillet ! le Panthéon ! le peuple de juillet qui écoute ! Alors le poète s’est mis à l’œuvre ; il n’avait guères que vingt-quatre heures pour son ode, position bien favorable à son génie. Il a manqué complètement son ode ; il a fait les plus mauvais vers qu’il ait faits de sa vie, lui qui, à force de belles choses, a tant le droit d’en faire de mauvaises ! Victor Hugo a manqué à la révolution de juillet, et cela devait être, et je l’en félicite, moi, de tout mon cœur, car la vraie poésie est toujours en avant des révolutions, comme Milton est près de Cromwell ; car la poésie est peu jalouse de chanter les révolutions qu’elle n’a pas faites ; car si jamais poésie fut étrangère à une révolution, c’est notre poésie à notre révolution. Honneur donc à Victor Hugo qui n’a pas su être poète où il ne pouvait pas être poète ! Ne voyez-vous pas qu’il devait être en effet écrasé par cette cérémonie funèbre sans tristesse, par cette fête sans enthousiasme, par ce Panthéon sans caractère, sans vertu et sans croyance, dont la mauvaise inscription de plâtre, vingt fois refaite et vingt fois effacée, ne pouvait avoir aucun crédit, ni sur la terre, ni dans le ciel ?

À présent Victor Hugo, qui a échoué à la révolution de juillet, se hasardera-t-il à célébrer la mort du dernier nom de Bonaparte ? Lui, qui a célébré la colonne de la place Vendôme en homme inspiré, s’arrêtera-t-il sur ce mince cercueil ? Je ne le crois pas à vrai dire ; ou bien si, comme on l’annonce, Victor