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LA MORT DU DUC DE REICHSTADT.

par de si terribles éclats, lord Byron jeta une ode à la croix de la légion-d’honneur. L’ode est belle : elle est touchante ; elle a tout le charme de ces hommages involontaires qui font tant de plaisir aux ruines. L’ode fit le tour du monde : elle rendit la poésie à Bonaparte. La mort de Bonaparte, favorisée par l’opposition politique, se mit à faire quelque bruit en France : elle eut un retentissement jusque dans l’Institut, on s’en aperçut même au Théâtre-Français. Cela fut bien heureux pour le héros, n’est-ce pas ? Puis le sujet donné et accepté, on eût dit d’un sujet grec ou romain, tant nos poètes s’en occupèrent. Ce fut un déluge de vers. Lord Byron avait levé l’écluse. Dans ce déluge de vers, il y en eut quelques-uns de fort beaux. Lamartine, Victor Hugo et Béranger n’invoquèrent pas en vain ce grand nom dans la tombe. L’enthousiasme public et surtout l’esprit d’opposition firent le reste ; et voilà comment, grâces au signal donné par lord Byron, la mort de Bonaparte n’a pas été aussi inaperçue parmi nous et par notre poésie, que l’a été celle de son fils.

Son fils mort (et ceci est la grande occasion qui se présente à moi pour vous parler poésie), Bonaparte ii expiré sans qu’on sache pourquoi, j’ai presque dit sans qu’on sache de quel droit il est mort, je me suis mis à me demander d’abord pour moi, et ensuite pour vous : — Qu’allons-nous faire de cette grande mort ? Quels adieux adresser à cet écho qui s’éteint ? que ferait lord Byron qui a versé tant de larmes sur la mort de son propre enfant, s’il apprenait que le fils de Bonaparte est mort ? quel signal donnerait-il aux hymnes funèbres et au deuil poétique ? Toutes questions que je me suis faites en me promenant à l’ombre, au bord de ruisseaux limpides et à travers de vastes prairies qui sentent le lait. — Et voilà comment par mille détours j’arrive lentement, mais enfin j’arrive à votre question : Où en est la poésie en France, et les poètes où en sont-ils ?

Les poètes chez nous sont en petit nombre comme dans tous les pays où il y a des poètes. Aux trois poètes que j’ai nommés, ajoutez le plus grand de tous peut-être, M. de Châteaubriand, et vous aurez tout notre Parnasse. Le nombre neuf au Parnasse