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LA MORT DU DUC DE REICHSTADT.

jours et surtout, tant la nature humaine est égoïste et curieuse ! nous l’aimions comme le héros d’un beau roman à venir.

Et quel héros ! quel bel aventurier ! — Commençons notre roman s’il vous plaît. Le jeune homme un beau soir s’échappe des mains de M. de Metternich. Le vieux gentilhomme, en se levant, demande à son valet de chambre : — Où est mon aiglon ? — Et le valet, en tremblant, lui raconte que l’aiglon est un aigle tout-à-fait et qu’il a pris sa volée, — et il a retrouvé la serre et les ongles de son père, monseigneur ! — Car voyez la fatalité ! jusqu’au valet de chambre de M. de Metternich, qui sait son Béranger par cœur !

Ce sera un triste moment à passer pour M. de Metternich. Il en écrira à M. de Talleyrand, qui n’écrira rien à personne, et qui savait la fuite du jeune homme vingt-quatre heures avant le duc de Reichstadt lui-même ! Voilà donc mon prince en campagne, où ira-t-il ? — Il met le nez au vent ! Et quand le vent est doux et chaud, il dira à coup sûr : — C’est la France ! Et il ira tout droit son chemin comme l’Empereur. Oh ! le beau voyage ! Voilà mon Allemand qui redevient Français. En avant donc ! À chaque pas qu’il fait, il écoute pour voir si le monde ne tremble pas. Le monde ne tremble pas. Le monde n’est ni plus ni moins agité. — Cela est extraordinaire, se dit-il ! — Mais comme il est bon prince, il se console. Béranger se sera trompé cette fois, voilà tout !

Il va toujours. Il oublie tout ce qu’on lui a fait apprendre, il apprend tout ce qu’on lui a fait oublier. Il fait son histoire. Il fait l’histoire de France, quelle histoire se fait-il ? Une histoire de soldats et de héros, une histoire au son du tambour, au bruit des trompettes, à l’harmonie des clairons, au voltige des drapeaux ; un éternel bruit de fanfares ! Il ouvre l’oreille. Point de fanfare ; à la place du clairon, du tambour et des cris de guerre, il entend mugir des troupeaux ! — Il faut que la France soit bien loin, puisqu’il n’entend pas la France ! la France de son père, la France de Napoléon !

Il va toujours.

Cherche-la, la France de ton père, enfant ! Cherche-la, la France