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REVUE. — CHRONIQUE.

sortir davantage la naïveté de notre révolution : ce qui eût plus maintenu, plus effrayé peut-être les jeunes combattans de juillet, que le canon et la mitraille, c’eût été cette question faite avec quelque autorité de patriotisme et de gloire : Que voulez-vous enfin ?

Sans doute la Charte et la liberté de la presse formaient le cri de ralliement et composaient le chant de triomphe, mais c’étaient-là des faits dont l’accomplissement n’aurait pas suffi à leur instinct de civilisation et de progrès.

Les événemens l’ont bien prouvé !

Que voulaient-ils donc en effet ? Mais pour le moment, ils ne voulaient pas ; ils n’avaient pas encore appris à vouloir. Dans nos temps de réflexion, l’énergie de la volonté ne peut que suivre les vives clartés de l’intelligence.

Il fallait donc raisonner après coup l’événement qu’ils n’avaient pas mûri à l’avance. Le bon vouloir ne manquait pas à la jeunesse, les livres ne lui faisaient pas faute non plus ; mais l’étude des livres demande tant de loisir et de calme ; et puis les livres ne sont-ils pas quelquefois erronés ou rétrogrades ? Ne voyons-nous pas certain auteur poursuivant actif de tel système, et son livre propagateur permanent de doctrines tout opposées : là encore défiance et confusion ! Que lui fallait-il donc à cette jeunesse impatiente et déroutée ?

Un guide, un représentant dans lequel elle ait foi, qui la pousse et qu’elle suive.

Un cours a été ouvert, il y a plus d’un an, au collège de France ; satisfaction et récompense unique, on pourrait le dire, des sentimens et des instincts de la victoire.

Il est sensible que M. Lerminier a considéré sa chaire comme la tribune d’une science progressive et vivante, où toutes les questions devaient être reprises, posées, remuées, résolues. Plein d’ardeur, mais de patience, il a conçu sur de larges proportions la rénovation française de la science sociale et de la législation philosophique. Ainsi, nous l’avons vu débuter, dans son enseignement, par une exposition presque encyclopédique, il a établi l’homme, la société, l’histoire, la philosophie, et comme résultante, la législation ; il a tout mis à nu avec une candeur pleine de force et de fierté ; il a fait tomber bien des solutions qui ne s’étayaient que sur des mots, des frayeurs et des transactions pusillanimes ; il a dit ce qu’il savait ; il a montré ce qu’il fallait apprendre et ce qu’il ne savait pas. C’est le caractère du jeune professeur de penser cartes sur table. Le résultat de la Philosophie du droit, publiée l’hiver dernier, a été de donner, pour la première fois à la France, un programme scientifique des travaux à tenter pour pousser la législation dans des routes progressives et nouvelles après Montesquieu, Rousseau et Bentham. À moins de produire un système complètement nouveau et vrai, M. Lerminier ne pouvait faire davantage ; il a facilité, il a rendu possibles pour l’avenir, les travaux des autres, et les siens propres.

L’hiver dernier, le professeur du collège de France s’est engagé dans la route de l’auteur de l’Esprit des lois ; il a commencé l’histoire même des législations comparées ; et, l’abordant par son côté le plus ouvert et le plus large qui