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s’enrichit des travaux de Redi, de Dati, de Marchetti, de Magalotti, etc., qui, par un caractère particulier des savans de cette époque, cultivaient avec un égal succès les sciences et les lettres. La dernière édition de ce vocabulaire est de 1728 ; mais, depuis, plus de cent ans se sont écoulés, sans que les attaques violentes que l’académie a essuyées aient pu faire hâter ses travaux.

Les étrangers ne sauraient se rendre raison de l’importance qu’on attache, en Italie, au choix des mots et à l’arrangement des périodes. Ils supposent que des hommes qui peuvent tant s’occuper de paroles, manquent d’idées. Mais les personnes qui pensent ainsi ignorent complètement la nature de la langue italienne. En Italie, l’oreille de l’homme le plus grossier, le moins instruit, est sensible à l’harmonie d’une prose nombreuse et élégante. Les hommes du nord essaient de saisir la mélodie du chant et de la musique italienne ; mais pourront-ils jamais sentir l’harmonie de la prose et du langage vulgaire ?

Lorsqu’on voit Dante, Machiavel, Galilée, s’occuper de recherches grammaticales, on doit croire que ce n’est pas par défaut d’intelligence qu’ils se sont livrés à cette étude. Les Romains offrent des exemples frappans dans ce genre. Cicéron, plaçant un mot sonore à la fin d’une période harmonieuse, excitait des cris d’enthousiasme chez trente mille auditeurs ; César, qui certes avait autre chose à faire, écrivait sur la grammaire, et on sait qu’il apportait un soin tout particulier au choix des mots.

Florence a l’avantage de posséder un journal littéraire, l’Antologia, qui, dans les circonstances actuelles, est aussi bon qu’il est permis de l’espérer. Le directeur, M. Vieusseux, a eu à vaincre un grand nombre d’obstacles, et surtout l’inertie du pays. Sans doute ce journal serait meilleur, si tous les hommes distingués de la Toscane se rappelaient que, dans notre siècle, un journal est une puissance, et voulaient concourir, avec le directeur, à la propagation des lumières. Mais on aime mieux se tenir à l’écart, laisser quelquefois la rédaction à des mains plus zélées qu’habiles, et puis sourire malicieusement aux embarras du journal, sans songer que,