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un meilleur avenir de ses jeunes fils. Il leur appartient de sortir de cette mollesse, de briser ces ignobles entraves.

Cependant nous devons signaler les hommes qui, surmontant ces obstacles, cultivent avec succès les lettres et les sciences. — Niccolini, auteur de plusieurs belles tragédies, s’est fait une réputation et une popularité méritées. Il débuta sur la scène tragique par des pièces faites d’après les anciens modèles, et la beauté de ses vers assura leur succès. Mais ses ouvrages ne répondaient pas aux besoins actuels de la société ; il le sentit lui-même, et s’élevant à une plus grande hauteur, il écrivit le Foscarini. Ce sujet national, dans lequel il peignait avec les couleurs les plus sombres et les plus vives les cruautés ténébreuses de l’aristocratie vénitienne, eut un succès dont on ne connaissait pas d’exemple en Italie. L’enthousiasme gagna toutes les classes, et l’on vit jusqu’à des paysans arriver des environs de Florence, assiéger en foule la porte du théâtre, y passer plusieurs heures, y prendre leurs repas, pour pouvoir entendre Foscarini. Animé par ce succès, Niccolini prépara une nouvelle tragédie qui était en même temps un plaidoyer en faveur de la nation italienne. Les Vêpres siciliennes, ce grand acte de vengeance nationale, avaient trouvé de sévères censeurs parmi d’illustres poètes étrangers. Niccolini a montré dans sa pièce que la première condition de la vie d’une nation, c’est de repousser les étrangers, et qu’il n’y a pas de pacte entre l’oppresseur et l’opprimé. Sa tragédie, qui pourrait se rapporter tout aussi bien au dix-neuvième siècle qu’au treizième, qui est et sera de tous les temps et de tous les peuples, fut reçue avec des transports d’enthousiasme. Il appartenait à un M. de La Noue, secrétaire de la légation française à Florence, de réclamer, au nom de Charles x, contre des expressions offensantes pour les Français, que le poète avait mises dans la bouche des Siciliens. Cette démarche, au reste, n’eut d’autres suites que le ridicule, et tomba devant un mot spirituel de M. de Bombelles, ministre d’Autriche à Florence, qui avait dit au diplomate français : « Vous ne voyez donc pas que, si l’adresse de cette lettre est pour vous, le contenu en est pour moi ? »