Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/344

Cette page a été validée par deux contributeurs.
340
REVUE DES DEUX MONDES.

duisant dans sa vie héroïque la destinée divine, à la manière des héros Crichna et Rama, incarnations de Vichnu. Dans ce point de vue, une idée primitivement mythologique eût été, par l’effet du temps et le cours naturel des choses, rabaissée à un événement humain. Le nom de Sigurd (destinée de la victoire) ressemble à plusieurs noms d’Odin, le père de la victoire, le victorieux, etc., et celui des Nifflungs, ennemis et meurtriers de Sigurd contient la racine nifl, brouillard, ténèbres, qui, dans la mythologie scandinave, sert à dénommer le monde des mauvaises puissances[1] en guerre avec le bon principe.

Quoi qu’il en soit, cette guerre du bon et du mauvais principe et le triomphe momentané de celui-ci sont exprimés symboliquement dans le mythe héroïque qui nous occupe comme dans le cycle de la destinée des dieux, dans la mort de Sigurd comme dans celle d’Odin ou de Balder.

Ce mythe, qui a ses analogues dans plusieurs religions antiques, est, ce me semble, la partie fondamentale et primordiale de la tradition.

DEUXIÈME PARTIE HISTORIQUE.

Sur cet ancien fond mythologique, probablement d’origine orientale, sont venues s’implanter des traditions d’une origine toute différente.

L’époque de l’invasion des barbares, cette époque terrible de dévastations et de renouvellement, avait laissé de frappans souvenirs chez les peuples de cette famille germanique à laquelle appartenaient les Scandinaves. Parmi ces souvenirs, nul n’était plus grand que celui d’Attila. Ce nom, resté dans la mémoire des peuples l’égal des noms merveilleux des héros de l’ancienne mythologie, ne tarda pas à se confondre avec eux ; car la tradition rapproche toutes ses célébrités et ne tient pas plus compte des distances de temps que de celles de lieu. Attila, devenu dans la

  1. Nifflheim, demeure des ténèbres.