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Jusqu’ici la marche de l’action est exactement pareille. À partir de ce point, la même série d’événemens continue, mais avec quelques différences importantes entre l’une et l’autre version.

DIFFÉRENS NOMS TRANSPOSÉS.

D’abord, selon l’Edda, la veuve de Sigurd s’appelle Gudruna ; dans les Niebelungs, ce nom est remplacé par celui de Chrimhilde. Il y avait bien une Chrimhilde dans la tradition scandinave, mais c’était une magicienne, mère et non sœur des Nifflungs. Cette confusion des deux noms pris l’un pour l’autre, de deux personnages qui se conservent dans la tradition en changeant de rôle, est un fait qui se présente fréquemment dans l’histoire des traditions. Les peuples font ce qu’on fait tous les jours quand on se souvient imparfaitement d’un récit : on suit à-peu-près l’ordre des événemens, mais l’on confond les noms.


2o ÉVÉNEMENS DÉPLACÉS.

Ce ne sont pas les noms seuls qui se déplacent ainsi dans le souvenir et se transportent d’un personnage à un autre personnage. Pareille chose arrive pour les événemens : on prête à l’un ce qui est arrivé à l’autre ; et par là le même fond de récit, en passant de bouche en bouche, devient une histoire toute différente.

Ainsi, pour ce qui nous occupe, dans l’Edda, c’est Attila qui fait périr les meurtriers de Sigurd. Leur sœur désire les sauver, et c’est leur mort qu’elle venge sur Attila. Dans les Niebelungs, au contraire, Attila ne veut aucun mal aux princes bourguignons. C’est leur sœur qui, furieuse de ce qu’ils lui ont ravi son époux et l’héritage de son époux, conspire leur ruine avec une perfidie profonde, et l’exécute avec une inflexible cruauté.