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SIGURD.

près d’une blessure, il leva sa visière, il détacha son casque. Là il commença à boire le sang, qui ruisselait : quoiqu’il n’y fût pas accoutumé, cela lui sembla grandement bon. »

Cependant le feu pleut sur leurs têtes : ils le reçoivent sur leurs boucliers. Hagen leur crie d’éteindre les tisons sous leurs pieds, dans le sang.

Ils passèrent ainsi la nuit. Le lendemain six cents vivaient encore.

Pour ranimer le courage des Huns, Chrimhilde remplit d’or leurs boucliers : elle force à combattre contre ses frères le bon margrave Rüdiger, qui les avait accueillis à la frontière, et qui avait fiancé sa fille au plus jeune d’entre eux. Attila se joint à elle. Rüdiger répond : « Seigneur roi, reprenez tout ce que vous m’avez donné, terres et châteaux… mais comment voulez-vous que je fasse ? Je les ai reçus dans ma maison ; je leur ai offert à boire et à manger, et je leur ai donné un don : comment pourrais-je travailler à leur perte ? » Cependant Chrimhilde le supplie encore. Alors il dit : « La vie de Rüdiger paiera aujourd’hui l’amour que vous et mon seigneur m’avez montré. » Puis il va aux assiégés. « Braves Niebelungs, leur dit-il, défendez-vous mieux que jamais. — Je devais vous servir et je viens vous combattre.»

« Plût à Dieu, ajouta-t-il que vous fussiez encore sur les bords du Rhin, et que je fusse mort ! »

Ses adversaires sont consternés et touchés de ce langage. L’un d’eux, Gernot, lui dit : « Et maintenant que Dieu vous récompense, seigneur Rüdiger, pour les riches dons que vous nous avez faits. Si je dois être funeste à un si noble courage, j’aurai regret à votre mort. Je porte ici l’arme que vous m’avez donnée, bon héros ; elle ne m’a jamais manqué dans tout le péril. Maint chevalier est tombé sous son tranchant ; elle est franche et sûre : jamais guerrier ne fit un plus riche don.

« Et si vous ne voulez pas renoncer à votre dessein, si vous voulez venir à nous, et me tuer les amis qui sont ici près de moi, si alors, avec votre propre glaive, je vous ôte la vie, j’en serai fâché pour vous, Rüdiger, et pour votre noble épouse.»