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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

cusations, c’est d’inviter sérieusement le public à la lecture et à la méditation du livre.

Mademoiselle de Coulanges, Kitty Bell, mademoiselle de Coigny, la duchesse de Saint-Aignan, soutiennent hardiment la comparaison avec les plus délicieuses créations de la poésie moderne.

Mais la lecture de Stello ne s’achève pas sans une réflexion pénible. Pour des lecteurs sérieux, il y a autre chose dans un livre que le sujet pris en lui-même. La forme littéraire n’est pas non plus sans importance. Eh bien ! qu’est-ce que Stello ? est-ce un roman, une élégie, un drame ? Rien de tout cela. Il semble que l’auteur soit arrivé au désabusement poétique, en passant par le désabusement social, qu’il soit dégoûté des artifices de la composition, des ruses et des coquetteries du récit, des machines dramatiques, aussi bien que des fantasmagories qui se nomment gouvernemens.

Ce n’est pas à dire pourtant que notre érudition s’élève jusqu’à reconnaître dans Stello l’imitation authentique de Rabelais, de Sterne, d’Hoffmann et de Diderot. Que le docteur noir se joue de son auditeur, de son récit et de lui-même, comme Pantagruel, Kreisler, Tristram Shandy et Jacques le fataliste, j’en conviendrai sans peine ; mais avec un peu de mémoire, on pourrait aller plus loin. Lucien, Swift, Voltaire, Jean-Paul, Don Juan, ont le même droit que Diderot aux honneurs de la citation, pourquoi les oublier ? C’est pure ingratitude.

J’avouerai ingénument que j’avais lu une pièce de Schiller sur la destinée des poètes, sans songer à rapprocher l’idée de cette pièce de l’idée-mère de Stello. Mais je m’en console en parcourant sommairement mes souvenirs ; il y a dans Pindare, dans Simonide, dans Pétrarque, dans la Divine Comédie, des idées pareilles. Où s’arrêter ?

Pour inventer une idée dont le germe ne se trouvât nulle part, il faudrait inventer l’humanité tout entière.

Ce qu’il y a de beau, ce qu’il y a de neuf, d’éclatant et de durable dans Stello, c’est l’exquise chasteté de l’exécution, la pudeur antique du style ; en y réfléchissant plus mûrement, je