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der personnellement la scène, crut devoir naturaliser chez nous quelques pièces anglaises. Il traduisit Othello, qui fut joué le 29 octobre 1829. Pendant les représentations, il traduisit également le Marchand de Venise, qui allait être représenté à l’Ambigu, lorsque M. de Montbel opposa son veto, et le privilége du Théâtre Français, qui seul alors partageait avec l’Odéon le droit de jouer des pièces en vers.

En 1830, il écrivit la Maréchale d’Ancre, qui fut représentée le 25 juin 1831.

Enfin, dans les derniers mois de l’année dernière, il commença Stello, achevé cette année seulement, publié d’abord dans la Revue des deux Mondes, en trois fragmens, et réuni en un volume depuis quelques jours.

Au mois de mai dernier, pendant une assez longue maladie à laquelle il craignait de succomber, il a brûlé deux manuscrits, Julien l’Apostat et Roland, deux tragédies qui étaient ses débuts dans la littérature dramatique, dont nous ignorons la date, qu’il n’a jamais communiquées à personne, et qu’il a sagement dérobées aux éditeurs posthumes.

Ainsi la vie d’Alfred de Vigny se divise en trois parties bien distinctes : son éducation, commencée et achevée toute entière sous le Consulat et l’Empire, ses travaux littéraires et sa vie militaire sous la restauration, et enfin, depuis 1828, une solitude volontaire et laborieuse.

Depuis 1814 jusqu’en 1828, pour complaire à sa famille, pour ne pas briser brusquement des engagemens qui lui donnaient un état dans le monde, pour éviter le reproche d’inconséquence et de légèreté que les langues oisives prodiguent avec une complaisance inépuisable, il est demeuré au service, il a fait abnégation de ses goûts personnels, sans renoncer pourtant à ses études de prédilection. Mais, selon toute apparence, cette situation violente lui a été profitable. S’il avait eu à Paris des loisirs paisibles, peut-être se fût-il mêlé aux réunions, aux cercles, aux coteries littéraires qui partageaient les salons de la restauration, comme autrefois, à Constantinople, les querelles de cochers, qui réfléchissaient, entre une causeuse et un piano, la