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les coups, de plus en plus nombreux, indiquaient les efforts redoublés des ennemis pour arriver à la place par les rues que protégeait l’artillerie. À chaque instant, le nombre des assaillans paraissait augmenter, autant qu’on en pouvait juger par le bruit toujours croissant des tambours et des clairons qui renaissait et mourait tour-à-tour au milieu de clameurs confuses. Le tocsin les dominait toutes, et plus haut que lui encore s’élevait le cri sauvage que poussent les Indiens dans les combats, d’abord interrompu et saccadé, puis prolongé en un hurlement qui perce le ciel. À minuit, cette scène d’horreur était dans toute sa violence. Les gens de couleur qui composent la basse classe de la ville, s’étaient réunis aux bandits de Quiroga et pillaient les magasins, ainsi que les maisons des unitaires qui leur étaient désignées. Les gauchos, repoussés par l’artillerie, avaient adopté un autre plan pour se rendre maîtres de la place. Enfonçant les portes des maisons dont les terrasses étaient contiguës à celles qui la dominent, ils montaient sur ces dernières et faisaient feu de là sur les miliciens qui la défendaient. L’intrépidité de ceux-ci, jeunes gens qui, pour la plupart, entendaient pour la première fois le sifflement des balles, rendit inutile cette nouvelle attaque. Vers deux heures du matin, les fédéraux firent un dernier effort pour emporter les palissades, et plusieurs se firent tuer à bout portant en cherchant à les abattre à coups de hache. Repoussés comme la première fois, ils cessèrent d’inutiles tentatives, et peu après la fusillade devint moins vive. Elle s’éteignit bientôt tout-à-fait, et quand le jour parut, un calme complet régnait dans la ville. L’ennemi avait disparu, et l’on ne voyait plus que quelques traînards qui se dispersaient au galop. Un petit nombre qui se délassait des fatigues de la nuit dans les pulperias qu’ils avaient mises au pillage, remontaient en chancelant sur leurs chevaux et rejoignaient leurs compagnons. Ces groupes passèrent les uns après les autres le Rio-Primero, et bientôt il n’en resta plus un seul dans la ville.

Je la parcourus alors avec un de mes compagnons de voyage, et nous fûmes d’abord surpris de ne point apercevoir de morts