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BATAILLE DE LA TABLADA.

la milice, et de leur mère. Devinant la terreur que devait éprouver cette famille, nous sortîmes pour nous rendre près d’elle. « Peut-on passer ? » demandâmes-nous au groupe placé à l’entrée de la rue. — « Passez, nous répondit l’un d’eux, les gens de Quiroga ne font de mal à personne. » Ce mot mit fin à notre incertitude : la ville était envahie par le tigre de la Rioja. En entrant chez la señora Velez, un spectacle inattendu frappa nos regards. La maison était remplie de femmes de tout âge qui poussaient des cris ou versaient des pleurs en invoquant tous les saints du calendrier espagnol. En nous voyant, elles parurent se rassurer un peu, surtout quand nous eûmes offert d’aller à la recherche d’une des demoiselles de la maison qui s’était rendue à la cathédrale, et qui ne reparaissait pas. Nous nous y transportâmes au milieu du tumulte toujours croissant de la ville ; mais comment décrire la scène qui s’offrit à nous en y entrant ? plusieurs centaines de femmes, surprises au milieu de leur prière, couraient de tous côtés en s’appelant à grands cris et croyant toucher à leur dernière heure. Tous les effets de la terreur étaient là, variés comme les caractères, délirante chez les unes, silencieuse et morne chez les autres, pâle chez toutes. Près des portes un groupe nombreux se pressait autour d’un homme qui venait d’être atteint mortellement d’une balle sous le péristyle même, et auquel on prodiguait les secours de la religion. Plus loin, à peu de distance du chœur, la terreur venait de frapper de mort une femme âgée qu’on cherchait vainement à rappeler à la vie. Après d’assez longues recherches, nous parvînmes à trouver la personne que nous cherchions, et nous l’entraînâmes défaillante dans sa famille.

Pendant le peu de temps qu’avait exigé tout ceci, la nuit était venue, et avec elle le désordre avait redoublé de toutes parts. Les coups de fusil, d’abord isolés, lointains pour la plupart, se succédaient sans interruption et se rapprochaient à chaque instant de la place, qui était évidemment le point d’attaque des ennemis. Une centaine de miliciens s’y étaient jetés à la hâte et la défendaient. Au pétillement de la fusillade se mêlait par intervalles le bruit lugubre du canon, dont