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respecté jusqu’à ce jour ce costume à Cordoba, ainsi que la philosophie d’Aristote et la théologie scolastique du moyen-âge. Les Tucumanos ne firent que traverser la ville et furent se joindre à l’armée campée à une demi-lieue de là, sur les bords du Rio-Primero. Ce renfort la portait à un peu plus de trois mille hommes, qui la plupart avaient vieilli dans la guerre, et qui venaient de faire la campagne du Brésil. Au nombre de ces derniers était un régiment de cuirassiers, dont la tenue eût rivalisé avec celle des troupes européennes, et un autre de nègres qui avait fait toutes les campagnes de la guerre de l’indépendance et versé son sang sur mille champs de bataille, de l’équateur à Buenos-Ayres. Cependant Quiroga s’avançait sur la ville et n’en était plus éloigné que de vingt lieues. Le 13 juin, Paz se mit en marche pour aller à sa rencontre, et l’anxiété régna dans la ville en attendant la bataille qui allait décider de son sort. Quelques jours se passèrent sans qu’on reçût aucunes nouvelles.

Le 19 juin, au soir, Cordoba offrait l’aspect de toutes les villes espagnoles à l’heure du crépuscule. Le mouvement, interrompu pendant la chaleur du jour, renaissait peu-à-peu dans les rues, et les églises se remplissaient de femmes appelées par la prière du soir. Ce calme fut tout-à-coup interrompu par quelques coups de fusils tirés dans toutes les directions, et le son des cloches du couvent des Dominicains, situé dans notre voisinage. « Paz a remporté la victoire ! » Telle fut notre première pensée, et nous nous précipitâmes aux fenêtres pour voir ce qui se passait ; mais au lieu de la joie publique, nous aperçûmes des gauchos galoppant de tous côtés et les habitans fuyant en désordre ; un groupe des premiers était arrêté à l’entrée d’une des rues balayées par l’artillerie de la place, hésitant à y entrer, comme intimidé par la pièce qui apparaissait menaçante à son extrémité. Dans cette même rue, située presque en face de notre demeure, vivait une des premières familles de la ville, qui nous avait accueillis avec cette hospitalité si commune parmi les créoles espagnols. Elle se composait de quatre demoiselles, dont l’une avait épousé un Français, d’un jeune homme enrôlé dans