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un emploi important dans la magistrature. Quant au jeune Marco Polo, il était constamment entouré de la jeunesse vénitienne qui ne pouvait se lasser de faire des questions sur le grand Kan et sur le royaume de Cathay. Comme Marco avait, à ce qu’il paraît, une complaisance égale à la curiosité de ceux qui le questionnaient, il arriva qu’à force de répéter dans ses récits que les revenus du grand Kan montaient à dix ou quinze millions de ducats d’or, et d’évaluer toutes les richesses de ces contrées en employant fréquemment le mot million, l’on donna à Marco Polo le surnom de Marco Milione. En effet, ce surnom lui resta, mais il y a des auteurs qui prétendent qu’il lui fut donné seulement à cause des richesses que son oncle, son père et lui avaient rapportées de l’Inde.

Il était de la destinée de Marco Polo de mener une vie toujours agitée. À peine s’était-il écoulé quelques mois depuis son arrivée à Venise, que la république eut avis qu’une flotte génoise, commandée par Lampa Doria, s’était montrée vers l’île de Curzola, sur les côtes de la Dalmatie. Aussitôt les Vénitiens mirent à la mer une flotte composée de galères, en nombre supérieur à celui des ennemis. Cette flotte fut confiée au commandement d’Andréa Dandolo, et Marco Polo, connu comme un excellent homme de mer, fut nommé capitaine d’une des galères. Les deux flottes ne tardèrent pas à se trouver en présence, et il y eut un engagement à la suite duquel celle des Vénitiens fut dispersée avec une grande perte. Parmi les prisonniers qui furent faits, outre A. Dandolo lui-même, se trouva aussi notre célèbre voyageur, qui, placé parmi les galères formant la division la plus avancée, se porta en avant avec une bravoure remarquable, et n’ayant point été soutenu, fut obligé de se rendre après avoir reçu une blessure grave.

On l’envoya à Gênes avec les autres prisonniers, ses compagnons d’infortune. Mais sa bravoure, ses qualités personnelles et le bruit qui se répandit de ses longs voyages et des récits qu’il en faisait, contribuèrent bientôt à adoucir les rigueurs de sa captivité. Il fut visité par toutes les personnes les plus distinguées de la ville de Gênes, et chacun se fit un point d’honneur