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MARCO POLO.

repas fut terminé et que l’on eut donné l’ordre aux domestiques de se retirer, Marco Polo, comme le plus jeune, se leva de table, passa dans une pièce voisine d’où il revint bientôt, tenant les trois vêtemens sales et usés avec lesquels les trois voyageurs étaient arrivés d’abord dans le palais après leur débarquement. Les trois Polo prirent alors des couteaux et se mirent à découdre la doublure de leurs vieux haillons d’où ils tirèrent, au grand étonnement de la société, une grande quantité de pierreries, telles que rubis, saphirs, escarboucles, diamans, émeraudes etc..

En quittant la cour du grand Kan, ils avaient reçu des richesses immenses de ce prince. Mais comme le transport de si grandes sommes eût été impraticable pendant un aussi long voyage que celui qu’ils avaient à faire, ils avaient converti l’or en pierreries.

Cet amas de bijoux précieux qu’ils offrirent sur la table aux regards des assistans, jeta ces derniers dans la stupéfaction. Cependant, quand ils furent revenus de leur extase, ils commencèrent à croire que les trois voyageurs étaient en effet ces gentilshommes de la maison Polo qu’ils avaient cru morts depuis long-temps, et ils finirent par donner les témoignages du plus profond respect à leurs trois hôtes.

On ne donne pas ce fait comme avéré, mais en diminuant un peu l’exagération romanesque qui s’y trouve, on peut regarder cette anecdote traditionnelle comme fondée sur la vérité ; car de quelque manière que les trois Polo s’y soient pris pour se faire reconnaître à leurs compatriotes et à leurs parens, après un voyage dans le fond de l’Inde, qui avait duré 24 ans, il est difficile de croire qu’ils y soient parvenus sans causer d’abord un grand étonnement.

Sitôt que le bruit du retour et du singulier voyage des Polo fut répandu à Venise, il n’y eut personne dans la ville qui ne voulût les voir et leur parler. Depuis les premiers seigneurs jusqu’aux artisans, tous recherchèrent leur conversation et eurent à se louer de leur complaisance. Enfin cette curiosité à laquelle se mêlait un intérêt réel, valut à Maffio, le frère aîné,