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chi, elle croit devoir refuser la main de M. de Thiézac et les avantages dont il voulait bien l’honorer.

Un an se passe. Mais c’est ici le lieu de dire que mademoiselle de Liron était belle, et comment elle l’était ; car sa beauté va s’altérer avec sa santé jusque-là si parfaite, et quand Ernest la reverra après le terme prescrit, malgré l’amour d’Ernest et ses soins de plus en plus tendres, elle lira involontairement dans ses yeux qu’elle n’est plus tout-à-fait la même. Mademoiselle de Liron est blanche comme le lait ; elle a de beaux cheveux noirs, et des yeux d’un bleu de mer, genre de beauté assez commun parmi les femmes du Cantal où sa mère était née. Elle est un peu grasse, s’il faut le dire, ce qui n’est pas méprisable assurément, mais ce qui nuit quelque peu à l’idéal. Au reste je loue de grand cœur l’historien véridique de nous avoir montré mademoiselle de Liron un peu grasse, puisqu’elle l’était sans nul doute, au commencement de cette aventure ; mais je voudrais qu’il se fût trompé en nous le rappelant vers la fin, et lors d’une saignée au pied qu’on lui pratique avec difficulté dans sa dernière maladie. Les souffrances de mademoiselle de Liron avaient dû la maigrir à la longue. Mademoiselle Aïssé, qui mourut, il est vrai, d’une phthisie aux poumons, et non d’un anévrisme au cœur, était devenue bien maigre, comme elle le dit : « Je suis extrêmement maigrie : mon changement ne paraît pas autant quand je suis habillée. Je ne suis pas jaune, mais fort pâle ; je n’ai pas les yeux mauvais ; avec une coiffure avancée, je suis encore assez bien ; mais le déshabillé n’est pas tentant, et mes pauvres bras, qui, même dans leur embonpoint, ont toujours été vilains et plats, sont comme deux cotterets. » Si mademoiselle Aïssé, même dans son meilleur temps, a toujours été un peu maigre, il est certes bien permis à mademoiselle de Liron d’avoir toujours été un peu grasse ; cela nous a valu, au début, une jolie scène domestique de pâtisserie où l’on voit aller et venir dans la pâte les mains blanches et potelées, et les bras nus jusqu’à l’épaule de mademoiselle de Liron. Mais, je le répète, je désirerais fort que vers la fin, au milieu des douleurs et de la sublimité de sentimens qui domine, il ne fût plus question de cette disposition