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UNE COURSE DE NOVILLOS.

Oh ! quel moment pour nous ! Comme nous avions l’un et l’autre besoin de cet épanchement ! Au moins nos âmes dont tant de cruelles secousses venaient de frapper si violemment les cordes les plus sensibles, en pouvaient mêler et confondre les vibrations ! Et leur accord était si parfait ! Tant de sympathies pareilles résonnaient en nous ! Nos cœurs palpitaient si harmonieusement sur le même mode. — Jamais, oh non ! jamais nous ne nous étions aimés ainsi ; — oh ! c’est que jamais aussi semblables émotions n’avaient exalté en nous à ce point la puissance d’aimer !


XVIII.

Le jour baissait rapidement ; on ne pouvait plus voir que confusément ce qui se passait dans la place. Les corps des taureaux et des chevaux enlevés, six très jeunes novillos embolados y avaient été, successivement et à tour de rôle, lancés au milieu de la foule qui la remplissait. Ces pauvres animaux, étourdis, sinon effrayés par les cris et les huées de cette multitude qui les entourait et les harcelait, couraient çà et là, tête baissée, de tous côtés. C’était d’ailleurs, surtout parmi les enfans, à qui les défierait avec sa veste ou son manteau, et ferait avec eux le petit matador. Quelques-uns de ces écoliers-toreros attrapaient cependant de bons coups de cornes, ou bien étaient culbutés et jetés en l’air. Mais peu d’entre eux étaient mis hors de combat. Ils se relevaient, la plupart, très vite et revenaient à la charge. C’était pour eux une affaire d’amour-propre ; et puis, sans doute, ce jeu les amusait fort.


XIX.

Lorsque le dernier de ces novillos fut sorti de la place avec les cabestros que l’on avait amenés pour le faire rentrer au toril, un long